Archives Mensuelles: octobre 2012

L’acte III de la décentralisation contrevient à l’accomplissement de l’Ecole de l’égalité et de l’émancipation

Tribune parue dans l’Humanité le 30 octobre 2012

Francis DASPE est président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche. Il est aussi secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée.

 

Plus que tout autre secteur, l’Ecole ne saurait être déconnectée de la société dans laquelle elle évolue. C’est ainsi que quelques-unes des orientations que s’apprête à adopter le gouvernement dans le cadre de la future loi d’orientation pour l’éducation sont impactées par l’acte III de la décentralisation ardemment souhaité par le Président de la République et sa nouvelle majorité, relayés en cela par le puissant lobby de l’association des régions de France (ARF).

La corrélation entre ces deux projets est pour nous source de profondes inquiétudes. Le système français d’éducation en passant sous les fourches caudines de cette forme de décentralisation, guidée par les postulats libéraux et les injonctions européennes, s’en retrouvera notoirement affaibli. Deux outils, déjà privilégiés depuis plusieurs décennies par les libéraux de droite comme de gauche (songeons aux basses œuvres enclenchées par Claude Allègre en son temps pour distribuer équitablement ce qui revient à chacun), vont poursuivre à plein l’entreprise de déstabilisation de l’institution scolaire : l’autonomie et l’adéquationnisme.

 

Les deux procèdent pareillement d’un incompréhensible aveuglement idéologique. Ils contreviennent de fait à l’ambition collective caractéristique d’une Ecole de la République fidèle à sa raison d’être : la recherche de l’égalité et la promotion de l’émancipation.

L’idée qu’il pourrait exister une « bonne autonomie » par opposition à celle, réellement destructrice, développée par la droite relève de la supercherie. L’autonomie, dopée par le nouvel acte de décentralisation, accentuera le démantèlement méthodique du principe d’égalité territoriale en procédant à la casse de tous les cadres nationaux (examens, programmes, diplômes, statuts etc.). Davantage qu’à une école à deux vitesses, c’est à un processus de balkanisation auquel serait voué notre système éducatif.

La promotion simultanée de plus d’autonomie à l’école et de décentralisation dans les rouages de la République se fonde sur raisonnement erroné. On présente à cet effet comme une ardente nécessité le renforcement sur un même territoire de l’adéquation entre les formations dispensées et le marché du travail. Fausse bonne idée que cette présentation des faits se drapant d’un prétendu bon sens. L’adéquationnisme se situe aux antipodes de l’impératif d’émancipation individuelle et collective, traduisant des formes renouvelées d’enfermement et d’engoncement localistes. Il s’agit d’une vision court-termiste fondée sur les seuls besoins des entreprises. La mission de l’école consiste au contraire à donner à chacun le choix de son destin, ici ou ailleurs, en rendant possible tous les horizons.

 

Autonomie et adéquationnisme constituent une régression spectaculaire dans la longue marche de la construction de l’Ecole de la République. Ils se situent en effet à rebours d’une évolution séculaire : c’est contre les agissements des féodalités locales, les revendications clientélistes et les intérêts économiques privés qu’a pu émerger une école se rapprochant de l’intérêt général. Il lui reste cependant à réaliser des progrès significatifs pour devenir réellement l’Ecole du peuple[1]. L’acte III de la décentralisation se révèlera en être un robuste obstacle en racornissant la force propulsive des principes d’égalité et d’émancipation, piliers d’une Ecole du peuple que nous appelons de nos vœux à s’accomplir, sans entraves, dans toute sa plénitude.


[1] Voir le livre de François COCQ et Francis DASPE, « L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation », éditions Bruno Leprince, août 2012

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La loi d’orientation scolaire: pour une l’Ecole du peuple

Tribune parue dans Libération le 9 octobre 2012

 

François COCQ est Secrétaire national à l’ Education du Parti de Gauche

Francis DASPE est Secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la Gauche Républicaine et Sociale  – Prométhée)

Ils sont coauteurs de L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation, aux éditions Bruno Leprince, collection Politique à gauche, août 2012.

 

Après la casse méthodique de notre école républicaine par le gouvernement précédent, toute annonce progressive en matière d’éducation redonne sourire et espoir. Cela nous ferait presque oublier les budgets d’austérité que le Président de la République et le gouvernement s’apprêtent à faire tomber sur tous nos concitoyens pour répondre aux exigences qu’eux-mêmes se sont fixées de 30 milliards « d’économies » afin de se présenter comme les enfants sages de l’Europe et les gestionnaires appliqués des préconisations des financiers.

 

Ce serait oublier aussi un peu vite que l’école n’est pas une entreprise qui peut se gérer avec un peu plus de ceci (d’enseignants), un peu moins de cela (de vacances). Le système scolaire souffre de manque d’envergure et de réflexion globale : quelle école souhaitons-nous pour le XXIème siècle ? Quelles missions lui fixe la Nation pour répondre aux exigences de notre période ? Cette question entraîne de fait les socialistes dans une impasse. Elle les oblige à avouer que le projet de société qu’ils portent est celui de la continuité et de la gestion de la société capitaliste.

Derrière le vernis, on retrouve une logique que nous ne connaissons que trop : la refondation de l’école proposée par le ministre Peillon s’appuie ainsi sur la généralisation du socle commun, validant de la sorte une dérive minimaliste et utilitariste des savoirs. Le livret de compétences et l’évaluation par compétences qui l’ont promue au cours des années passées ne sont pas prêts de disparaître.

La faute tient à un contresens originel pourtant toujours pierre angulaire des libéraux de tous poils : le concept de l’égalité des chances. Celle-ci est devenue le soubassement du triomphe de la doxa libérale dans le champ de l’école, effaçant peu à peu le postulat existant chez les progressistes et humanistes de l’universalité de l’éducabilité. Elle consacre le renoncement à œuvrer à la recherche de l’égalité réelle, non sans se donner bonne conscience en se targuant de le réussite de quelques uns pour mieux s’exonérer de l’échec d’un plus grand nombre au motif qu’ils n’auraient pas été suffisamment méritants. Elle consacre l’idée si chère aux libéraux du chacun pour soi et de la responsabilité individuelle, niant la force du collectif et de l’universalité des droits rendant la société dans sa totalité responsable du devenir de tous ses citoyens.

Rien n’atteste mieux de ce reniement que la proposition de la ministre de l’enseignement supérieur Geneviève Fioraso qui le 19 septembre dernier voulait mettre en place des frais d’inscription en classes préparatoires. Sans juger sur le fond du bien-fondé des classes préparatoires, il s’agit ni plus ni moins que d’entériner et généraliser les frais d’inscription existants déjà à l’Université. Les socialistes assument par ce biais leur social-libéralisme, non seulement en enracinant l’idée que, dans une logique purement individualiste, chacun-e doit souscrire à un « investissement éducatif », mais aussi en faisant entrer le ver de l’autofinancement dans les établissements du second degré qui accueillent lesdites classes préparatoires.

 

La rédaction de la nouvelle loi d’orientation scolaire devrait être un grand rendez-vous permettant au pays tout entier de se saisir de ces questions, afin que le peuple s’approprie le destin de son pays. Le choix d’une loi élaborée subrepticement, confiée aux mains des sempiternels « experts », avec des débats territoriaux bâclés, nous démontre hélas le manque d’ambition.

Nous proposerions volontiers au gouvernement une autre méthode, démocratique, basée sur la réflexion et l’apport de tous, sur une collecte de feuillets législatifs, produits du débat et de la confrontation, issus d’assemblées citoyennes, permettant ensuite aux parlementaires de s’appuyer sur des cahiers revendicatifs venant du peuple. Une méthode aussi où chaque parti, association, syndicat, citoyen apporte sa contribution.

Celle que nous apportons aujourd’hui au titre du Parti de Gauche, et que nous proposons au débat se trouve dans le livre « L’école du peuple – Pour l’égalité et l’émancipation ».  Cela constitue notre contribution à l’ambition scolaire, reposant sur les missions que nous confions à l’école, résumées par le triptyque « Eduquer – Qualifier – Emanciper ».  Elle inscrit l’Ecole dans le projet global et cohérent que nous avons porté lors de la présidentielle avec Jean-Luc Mélenchon, celui d’une société nouvelle, rompant avec les logiques d’accumulation, de profit, de concurrence.

 

Notre pays va au devant de grands défis économiques et écologiques qui ne pourront être relevés qu’avec une population hautement qualifiée pour réussir la bifurcation économique nécessaire pour changer le mode de production. Dans le même temps, la reconquête de la souveraineté populaire demande un peuple hautement éduqué et émancipé. La période demande mieux que des pansements et des lois a minima. L’heure est à l’école du peuple.

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Non, le supranationalisme n’est pas l’internationalisme !

Tribune parue sur le site de Marianne le 3 octobre 2012

Préoccupé par la confusion entre supranationalisme et internationalisme, Francis Daspe, secrétaire général de l’association AGAUREPS-Prométhée, clarifie les deux termes, affirmant que si la France ratifie le traité budgétaire européen ce serait une «défaite historique de l’idée internationaliste».

 

Généralement, l’ultime argutie des européistes en panne d’arguments en vue de justifier une Europe construite à coup de concurrence libre et non faussée consiste à affirmer qu’ils seraient les meilleurs garants de la paix. C’est la reprise de la vieille antienne assimilant le commerce à la paix. Pour ce faire, ils ne craignent pas à se présenter comme des partisans inconditionnels et exclusifs du rapprochement des peuples. Pour peu, ils se draperaient sans vergogne des oripeaux de l’internationalisme.

Il s’agit d’une prodigieuse imposture à laquelle il faut tordre le coup afin d’éviter toute méprise. La supercherie porte sur la confusion entretenue à souhait entre les notions d’internationalisme et de supranationalisme. Elles ne se recoupent ni ne se superposent, mais au contraire s’opposent frontalement.

 

« Le supranationalisme constitue l’exact contraire de l’internationalisme »

 

L’internationalisme, issu de la tradition des combats ouvriers des siècles passés, s’appuie sur les peuples et le respect de leur souveraineté démocratiquement exprimée par les citoyens. Aux antipodes, le supranationalisme s’évertue à dissoudre les peuples au nom d’une gestion technocratique présentée comme plus à même de définir l’intérêt général. Un outil a été progressivement forgé à cet effet : c’est la gouvernance accommodée à toutes les sauces dès lors qu’il s’agit de gouverner en contournant les citoyens. C’était en cela que résidait la méthode Monnet, colonne vertébrale de la construction européenne dès ses origines : un monde dans lequel les experts sont rois.

Le supranationalisme vise délibérément à détruire toutes les formes de souverainetés populaires. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le Mécanisme européen de solidarité (MES) en constituent à la fois une illustration éclairante et une accélération décisive : les souverainetés budgétaire et monétaire passent à leur tour à la broyeuse. Les peuples sont conviés à abdiquer leurs prérogatives d’essence démocratique les unes après les autres. Même les représentants du peuple, à qui on aurait dû expliquer qu’ils n’existent qu’au travers du mandat conféré par les citoyens, ne rendront désormais compte qu’à des personnes non élues n’en rendant elles-mêmes à personne. Si ce n’est, bien entendu, aux dogmes de la doxa libérale gravée dans le marbre et mise au service d’une politique de classes cyniquement décomplexée.

 

Un des enjeux du combat pour l’hégémonie culturelle, pour reprendre Gramsci, auquel nous convient les débats relatifs à la ratification du TSCG consiste précisément à démontrer que le supranationalisme constitue l’exact contraire de l’internationalisme. Sans quoi les fervents dévots du supranationalisme post-démocratique réaliseraient le tour de force de faire culpabiliser d’authentiques internationalistes en les accusant d’opter pour des replis frileux, et ceci au seul motif de récuser fermement le supposé universalisme du marché roi. Ce fut ce à quoi visait grossièrement le scandaleux éditorial de Serge July paru dans Libération au lendemain de la victoire du non au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen, n’hésitant pas à utiliser l’expression «épidémie de populisme» et à qualifier le verdict des électeurs français de «chef d’œuvre masochiste».

 

Dans le registre des citations, préférons en mettre en exergue deux autres offrant des références de nature à dévoiler la supercherie des européistes. Pierre Mendès-France justifiait devant l’Assemblée nationale le 18 janvier 1957 de la sorte son opposition à la ratification du traité de Rome instituant la CEE : «Le projet du marché commun, tel qu’il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XIX° siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. […] L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale». Voilà une analyse qu’il serait bien difficile de ne pas considérer comme prémonitoire !

Paraphrasons pour terminer la célèbre formule de Jean Jaurès (un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme en rapproche) en affirmant que l’internationalisme se nourrit de la parole des peuples souverains tandis que le supranationalisme les en prive de manière irréversible. Le préfixe «supra» indique bien qu’il existerait une autorité supérieure à celle des peuples. Cette autorité là, que nous pouvons reconnaître aisément dans la troïka (BCE, Commission européenne, FMI), se donne la mission de les disqualifier. La machinerie européenne montre clairement le mépris dans lequel elle tient les peuples. Quand ils fournissent une réponse différente de celle attendue au nom de la «seule politique possible» tenant lieu de camisole de force, il leur est enjoint l’ordre de rectifier dare-dare le sens de leur vote. Pour d’autres peuples certainement jugés irrécupérables, le droit de vote leur est tout simplement retiré…

 

La ratification du TSCG signifierait en définitive le triomphe de la logique supranationaliste et une défaite historique de l’idéal internationaliste. Et ceci par une confusion entre les deux termes sciemment entretenue.

 

Francis Daspe est Secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la Gauche Républicaine et Sociale – Prométhée).

 

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LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 92 OCTOBRE 2012

N° 92 – Octobre 2012

 

Sommaire du numéro 92 : Spécial Rentrée scolaire

– Editorial de Francis DASPE « A quand le changement ? »

– Tribune François COCQ et Francis DASPE « L’Ecole du peuple, c’est celle de l’accomplissement de la République sociale », de Francis DASPE

– Bon de commande « L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation », Editions Bruno Leprince

– Tribunes de campagne « Scolarité à 18 ans, égalité des chances, examen du baccalauréat »

– Agenda de l’AGAUREPS-Prométhée : Réunion du jeudi 04 octobre 2012 à Mont-de-Marsan

– Une fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2012

A quand le changement ?

Peut-être encore davantage que tout autre secteur, l’Ecole espère la concrétisation du changement promis avec l’alternance de mai et juin derniers. Un changement on ne peut plus attendu après une décennie de gestion par une droite décomplexée, et plus particulièrement un quinquennat d’airain qui vient de s’achever par la sanction populaire. Cette rentrée, si elle s’est faite dans un climat plus apaisé, n’a cependant pas modifié fondamentalement les conditions de travail et d’étude tant des personnels que des élèves. Dans de nombreux endroits la rentrée a été plus que délicate : il y a bien longtemps que l’institution scolaire est dépourvue du minimum nécessaire.

L’AGAUREPS-Prométhée propose un numéro spécial consacré à l’Ecole dans cette Lettre du mois n° 92 d’octobre. Plus que la description de l’état de la situation, c’est vers des solutions que se tournent les réflexions. Il s’agit bien de s’atteler à la refondation d’une institution à la fois sinistrée et résistante. Mais de quelle refondation voulons-nous ? Car telle est la question désormais, tant sont nombreux ceux qui ont à la bouche cet objectif derrière lequel on peut mettre tant de choses contradictoires.

Celle qui semble se dessiner à travers le débat lancé par le gouvernement dans le cadre de la préparation de la future loi d’orientation pour l’éducation amènera nécessairement une amélioration. Peut-il en être raisonnablement autrement ? Mais les motifs de crainte sont cependant nombreux : les erreurs d’un passé pas si lointain, illustré par les foucades de Claude Allègre ou de Ségolène Royal, ne doivent pas être répétées. Les camarades socialistes comprennent-ils véritablement qu’en matière éducation ils doivent faire face à un lourd passif ?

Des propositions sont clairement formalisées dans un livre paru en août aux éditions Bruno Leprince co-écrit par deux des membres fondateurs de l’AGAUREPS-Prométhée, François Cocq et moi. Le titre donne la tonalité de l’objectif à rechercher : « L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation ».

Nous avions été également très présents dans le débat éducation au cours des campagnes présidentielles et législatives. Vous trouverez également dans ce numéro quelques-unes des tribunes (pas toutes, car nous avons dû choisir) que nous avions pu diffuser dans les médias. Elles offrent un aperçu pertinent du contenu de l’ouvrage. Il y a en effet une proposition concrète, l’allongement de la scolarité obligatoire à 18 ans, mesure aux « vertus insoupçonnées ». Le renforcement du cadre républicain constitue une condition sine qua non, avec le maintien de l’examen anonyme et national au baccalauréat.

La rupture nécessaire que nous appelons résolument passe par la récusation du paradigme de l’égalité des chances qui n’a fini par représenter que la caution vertueuse du renoncement à œuvrer pour l’égalité réelle des droits. La nouvelle majorité n’a pas fait son aggiornamento sur le sujet : il y a tout craindre que cela ne constitue un verrou à la construction de l’école du peuple, porteuse d’égalité et d’émancipation. Au même titre que l’enfermement obtus dans l’austérité que l’adoption du TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) consacrerait.

Fidèle à ses valeurs, l’AGAURPS-Prométhée s’échine à faire sauter tous les verrous : Ecole et TSCG sont à l’ordre du jour de la prochaine réunion de travail qui aura lieu jeudi 4 octobre à Mont-de-Marsan…

Francis DASPE (27/09/2012)

L’école du peuple, c’est celle de l’accomplissement de la République sociale

Il s’agit d’une tribune diffusée sur le site internet de Rue89 le 06 septembre 2012.

C’est la rentrée, et plus si affinités puisque le gouvernement entend présenter une loi d’orientation pour l’éducation à l’automne. C’est en effet bien le moins qui était attendu après le quinquennat d’airain auquel a été soumise l’école de la République avec Nicolas Sarkozy.

Il faut mesurer à quel point le changement de majorité était attendu à l’école à l’égal d’une bouffée d’oxygène. D’ailleurs, les premières décisions ont été dans le sens d’une respiration vitale, avec par exemple l’abandon de la logique comptable incarnée par les suppressions massives de postes, l’abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants ou encore l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire. Pour autant, ces actes attendus et méritoires ne nous exonèrent pas de toute exigence critique, le changement tardant cruellement à se manifester sur le fond.

La continuité a dominé dans bien des domaines

Ainsi, des ruptures qui auraient dû s’incarner par l’abandon du livret de compétences et des outils de fichage tels base-élèves, par la suppression des établissements Eclair, têtes de pont de l’autonomie managériale, ou encore par le remplacement des recteurs zélés qui ont appliqué une logique comptable et aveugle contre l’école de la République, il n’y eut point.

Au contraire, la continuité a dominé dans bien des domaines, comme sur les questions de laïcité où la sinistre loi Carle fut confortée par Vincent Peillon alors même qu’elle assure le financement des établissements privés au détriment des élèves du public. Ceux-là même qui vont nous dire comme leurs prédécesseurs qu’il faut se serrer la ceinture, se conformer à l’austérité qu’ils veulent sacraliser avec le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), nous enjoindre de faire en son nom 33 milliards d’euros « d’économies » supplémentaires, ne trouvent rien de mieux que de redistribuer les fonds publics au privé plutôt qu’à l’école publique. Pire, depuis l’investiture de François Hollande le 15 mai dernier, le gouvernement a laissé entrevoir la boussole qui le guide pour rédiger cette nouvelle loi d’orientation scolaire.

Egalité des chances contre égalité réelle

Celle-ci pousse vers un approfondissement des politiques menées et fait tourner le dos à l’humanisme radical qui, en considérant que tous les enfants sont capables, rejoint l’universalisme. C’est ainsi que le concept de l’égalité des chances est institué en valeur cardinale. L’égalité des chances est devenue le soubassement du triomphe de la doxa libérale dans le champ de l’école. Elle consacre le renoncement à œuvrer à la recherche de l’égalité réelle, non sans se donner bonne conscience en se targuant de la réussite de quelques-uns pour mieux s’exonérer de l’échec d’un plus grand nombre.

Le mérite si cher au précédent Président a été appelé à la rescousse par le nouveau le 15 mai dernier pour justifier ce renoncement. Sur ces bases, François Hollande et Vincent Peillon entendent appuyer la refondation de l’école sur la généralisation du socle commun. Ce n’est rien moins que la confirmation d’une dérive minimaliste et utilitariste des savoirs, le livret des compétences et l’évaluation par compétences l’ayant puissamment promue au cours des années passées.

De l’audace et de la radicalité

En segmentant les savoirs entre un socle pour la plèbe et les programmes pour les autres, la voie est ouverte à l’instauration d’une école à multiples vitesses, créant de surcroît les conditions à la marchandisation des savoirs. Même les outils de cette fuite en avant sont dès à présent envisagés. Ainsi en est- il de l’autonomie des établissements.

Feignant de croire qu’il s’agirait d’une belle idée malheureusement dénaturée par la droite au pouvoir, le ministre Vincent Peillon estime qu’il sera nécessaire de l’approfondir sous d’autres formes plus acceptables. C’est en réalité peine perdue d’avance : l’autonomie n’est rien moins qu’un moyen de casser les cadres nationaux garants de l’égalité républicaine et de transformer insidieusement l’école en entreprise.

La tâche réclame plus que jamais de l’audace et de la radicalité. Il s’agit de construire enfin l’école du peuple. Celle de l’émancipation individuelle et collective, pas celle de la conformation sociale aux intérêts particuliers et de la soumission à l’idéologie dominante. Celle de l’égalité, pas celle d’une méritocratie même recouverte d’un vernis républicain. Celle de la réussite de toutes et tous, pas celle de la compétition de chacun contre tous.

Le risque existe que cette loi d’orientation ne soit en fin de compte une occasion manquée faute d’ambition et de détermination à transformer la société. Il est jusqu’à la méthode qui fâche pour cette pseudo-concertation menée sans que les conditions mêmes du débat soient créées. Or s’il est bien un sujet qui doit impliquer le grand nombre, c’est l’école. C’est par l’implication populaire que peuvent être jetées les bases d’une école qui réponde aux exigences de l’intérêt général. C’est donc vers le peuple qu’il faut se tourner en lui proposant de débattre et d’alimenter des cahiers législatifs qui seront les poutres de cette future loi d’orientation. C’est cette méthode que le Front de Gauche entend éprouver dans les semaines à venir.

Nul doute que la visée qui en sortira fera de l’école de la République celle du peuple, celle qui puise ses sources aux idéaux humanistes et universalistes, celle de l’accomplissement de la République sociale.

François COCQ et Francis DASPE

 EcolePeuple

François CocqFrancis Daspe

L’École du peuple

Pour l’égalité et l’émancipation

VIENT DE PARAÎTRE

 EcolePeupleMax

Bon de commande (cliquez)

Nicolas Sarkozy a saigné l’École de la République comme jamais. Mais il s’est surtout attelé à la réorganiser selon la doxa libérale : marchandisation, autonomie des établissements, savoirs réduits à une vision minimaliste et utilitariste… Alors que le changement promis par l’élection de François Hollande tarde à se manifester, les bases sur lesquelles refonder l’École de la République continuent à faire débat jusqu’au sein de la gauche.
Des ruptures sont nécessaires si c’est bien la société que l’on veut transformer en profondeur. Place à l’émancipation individuelle et collective plutôt que la soumission à l’ordre de la société. Place à l’égalité réelle plutôt que l’égalité des chances. Place aux savoirs universalistes plutôt qu’une école à plusieurs vitesses. De l’accueil des plus petits à une révolution copernicienne au profit de l’enseignement professionnel en passant par une invitation à se ressourcer à l’idéal du collège unique, c’est bien au coeur d’un humanisme radical que doit prendre racine l’école de l’égalité, l’école du peuple.
François Cocq est enseignant, et secrétaire national du Parti de Gauche à l’Éducation, au Service public et à la Formation. Francis Daspe est enseignant et secrétaire général de l’Association pour une Gauche Républicaine et Sociale-Prométhée (AGAUREPS-Prométhée)
 

Tribunes de campagnes

 

▲ Les vertus insoupçonnées de l’obligation scolaire à 18 ans

Cette tribune de Francis DASPE est parue sur le site internet du Monde.fr le 20 / 03 / 2012.

L’allongement de l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans constitue une des mesures phare du programme du Front de gauche. Simple mesure d’ajustement d’ordre technique à l’instar des allongements précédents octroyés en 1936 par Jean Zay sous le Front populaire et par l’ordonnance Berthoin de 1959 qui avaient fait passer l’âge de la fin de la scolarité obligatoire à 14 puis à 16 ans ? Ou, au contraire, étape véritablement décisive génératrice d’un saut qualitatif à même de dessiner les contours d’un projet de société plus global pour l’institution scolaire que l’on pourrait comparer à la loi Ferry du 28 mars 1882 rendant l’instruction obligatoire de 6 à 13 ans ? Tout en se défiant de sombrer dans l’emphase et de verser dans les comparaisons anachroniques, il est cependant possible d’affirmer qu’une telle disposition relève de la seconde catégorie.

La mesure recèle des vertus insoupçonnées. Elles vont en effet bien au-delà des arguments les plus consensuels rituellement avancés par un nombre croissant d’acteurs du système éducatif. Au premier rang de ceux-ci, se trouve la nécessité de relever les défis lancés par les réalités d’un monde de plus en plus complexe, aussi bien en terme de formation du citoyen que d’insertion dans le monde du travail. L’acquisition de ces connaissances exige un temps supérieur à celui octroyé à l’heure actuelle. L’idée d’étaler sur deux années supplémentaires le cursus scolaire devient un préalable pour que chacun puisse se familiariser avec des savoirs indispensables. C’est une condition sine qua non pour procéder à l’élévation du niveau général. Disons-le tout net, cette ambition se situe aux antipodes du socle commun de compétences minimaliste et utilitariste qui ne répond nullement aux besoins. La scolarité obligatoire portée à 18 ans est au contraire ce ciment qui ouvre la perspective aux techniques et aux savoirs émancipateurs.

La pertinence de cette analyse n’empêche pas pour autant que d’autres raisons soient à nos yeux encore plus déterminantes. Il convient par exemple de rassurer et d’emporter l’adhésion des praticiens de terrain, notamment ceux du collège, qui ressentent parfois comme une gageure d’amener des élèves en décrochage scolaire jusqu’à 16 ans.

La mesure aura précisément pour le collège unique un impact bénéfique. Elle possède un double avantage : désenclaver le temps de scolarité passé au collège et dédramatiser l’orientation. Les choix d’orientation seront de la sorte inclus au sein des parcours scolaires, et non plus situés en fin de scolarité obligatoire. Un souffle oxygénant sera ainsi apporté au collège unique en l’inscrivant au cœur de la scolarité obligatoire et non plus comme un terminus anxiogène à un âge où il est parfois prématuré de devoir faire des choix engageant aussi lourdement sa future vie d’adulte.

Une autre vertu résiderait dans le processus de démarchandisation de la sphère éducative qui s’en trouverait de facto favorisé. L’obligation ne peut en effet rimer qu’avec gratuité, même si malheureusement l’équation souffre de trop d’entorses qui malmènent notre conscience républicaine. Nous savons tous que la scolarité post-collège, échappant à l’obligation, correspond à des dépenses difficiles à supporter pour de nombreuses familles. C’est là que commencent les spécialisations : pour les libéraux, toute spécialisation est à considérer comme un investissement personnel devant être financé par les familles, et non pas pris en charge par la collectivité. Cette logique, individualiste et marchande, que la volonté d’instaurer un chèque éducation pousse à son paroxysme, doit être contrecarrée : l’allongement de la scolarité obligatoire y contribuera.

            C’est bien à un saut qualitatif que nous convie l’allongement de la scolarité obligatoire à 18 ans, pour peu que l’on sache en faire bon usage. Car ce qui est en jeu en définitive, c’est la démocratisation de notre système éducatif, tant de fois annoncée mais jamais réalisée. Il s’agit d’un levier, certes pas suffisant, mais absolument indispensable pour y parvenir. L’école de l’égalité et de l’émancipation ne se conçoit décidément pas au rabais.

▲ L’illusion de l’égalité des chances

Cette tribune de Francis DASPE est parue dans l’édition du 31 / 05 / 2012 de L’Humanité. 

Au-delà des rituelles déclarations de (bonnes) intentions, peu de propositions réellement novatrices sur l’éducation ont émergé à l’occasion de la campagne de la présidentielle. La situation est paradoxale alors même que les enquêtes d’opinion placent l’éducation au premier rang des préoccupations des Français et que le nouveau gouvernement entend engager la refondation républicaine de l’école. La nécessité est pourtant grande de faire preuve d’audace et de courage pour en finir avec un quinquennat d’airain. Sans être paralysé par la crainte de cliver, des paradigmes faisant jusqu’alors consensus doivent être remis en cause. C’est le cas de celui d’égalité des chances.

Son essence est fondamentalement libérale, bien que se prévalant indûment d’oripeaux progressistes. Il stipule que tous les élèves pourraient se retrouver à égalité sur la ligne de départ de la grande compétition scolaire. La puissance publique aurait la seule responsabilité d’en créer les conditions pour s’en rapprocher. Cette création ex nihilo permet sans coup férir d’imposer pour la suite à tous les étages la concurrence (libre et non faussée…) comme mode d’organisation du système éducatif.

Cette vision procède d’un angélisme pour le moins déconcertant. Elle justifie le désengagement croissant de la puissance publique dans le domaine de la lutte contre les inégalités. Elle vise à faire culpabiliser les acteurs du système éducatif, élèves et familles renvoyés à leur seule responsabilité de leur éventuel échec, enseignants accusés de n’avoir pas été capables de trouver les bonnes stratégies de remédiation. Elle traduit l’enfermement dans des solutions individuelles, sanctionnant de fait le renoncement à toute ambition collective constitutive de l’école de la République.

À droite et à l’extrême droite, l’égalité des chances est récupérée pour promouvoir une école individualiste à plusieurs vitesses dans laquelle le chèque éducation permettrait à chacun de faire ses courses dans un grand marché. Une partie de la gauche s’y est ralliée en la présentant comme un vernis d’honorabilité d’une ambition sociale maintenue. Tous alors se gargarisent de la réussite de quelques-uns pour au final justifier l’abandon des autres à leur triste sort parce que jugés insuffisamment méritants. C’est à la fois un contresens idéologique et un renoncement politique. Car les outils pour l’instituer sont bien connus : assouplissement ou abandon de la carte scolaire, autonomie des établissements, fragmentation des savoirs dans le cadre d’un socle commun minimaliste et utilitariste renforçant leur marchandisation.
Il convient d’en finir avec cette imposture libérale de la supposée égalité des chances. La seule égalité qui nous importe est celle que l’on constate à l’arrivée, pas un ersatz d’égalité proclamée sur la ligne de départ qui, en fait, ne vise qu’à faire oublier que nous nous trouvons dans une société de classes. Les rangs de la gauche sont ceux d’un humanisme radical qui croit en la perfectibilité constante de l’être humain, considérant que tous les enfants sont capables d’apprendre pour peu qu’on s’en donne les moyens.

À l’instar de la laïcité, l’égalité n’a nul besoin de substantifs et encore moins d’adjectifs pour faire pleinement sens. Bien au contraire, ce subterfuge conduit à la dénaturer en la détournant de ses valeurs initiales. Nous récusons le paradigme de l’égalité des chances, le situant aux antipodes d’un véritable projet de justice et de transformation sociales. Cette inflexion exigeante que nous entendons appliquer à l’école de la République représente sans aucun doute une véritable révolution copernicienne. C’est aussi la condition pour que l’étendard de l’égalité ne soit pas abandonné.

▲ Un examen national et anonyme au nom de l’exigence républicaine

Cette tribune de François COCQ est parue sur le site internet Newsring le 19 / 06 / 2012 en contribution au débat lancé par Newsring dont le thème était « Le contrôle continu peut-il remplacer l’examen final du bac ? ». 

Le démantèlement du cadre national est le préalable libéral à l’institution d’une école à plusieurs vitesses. Cela se traduit donc aussi au niveau des diplômes. Et voilà que Vincent Peillon s’y rallie en ciblant le baccalauréat en tant qu’examen national.

 Vieil objectif pour le patronat, briser le cadre national du bac par le contrôle continu permettrait ensuite de justifier la sélection à l’entrée de l’Université, mais surtout d’affaiblir les conventions collectives, le bac étant le premier diplôme général reconnu par celles-ci. Qui ne voit pas qu’en développant le contrôle continu, les épreuves nationales anonymes seraient très vite réduites à la portion congrue. Il faudrait dès lors détenir le précieux sésame délivré par un lycée des beaux quartiers pour prétendre continuer dans les voies les plus demandées.

Notons que les fossoyeurs du bac ne lésinent pas sur les moyens pour le discréditer. Pensons aux couacs récurrents qui viennent entacher chaque année son déroulement : erreurs dans les énoncés, fuites sur les sujets, copies égarées ou non corrigées etc… A défaut d’être orchestrées, elles sont au moins très vite instrumentalisées pour inviter à introduire davantage de contrôle continu.

Il faut noter la grande persévérance de ceux qui, à droite comme à gauche, veulent abattre le bac comme examen national anonyme. En 2005, un ministre de l’éducation nommé François Fillon avait dû reculer devant la mobilisation lycéenne alors qu’il souhaitait introduire une part non négligeable de contrôle continu. Les lycéens percevaient à juste titre les effets pervers que la prise en compte d’éléments de contrôle continu n’aurait pas manqué d’entraîner, avec notamment l’émergence à très court terme d’un bac à deux vitesses : un premier pour les établissements socialement favorisés pour lesquels les exigences seraient maintenues, un second significativement déprécié pour les quartiers sensibles ou les zones rurales isolées. Avec pour conséquence logique, dans une société où l’image de marque prime du fait de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée, d’alléger le niveau d’exigence dans ces derniers pour maintenir des taux de réussite suffisamment élevés. Ce bac, enraciné dans l’environnement socio-économique, n’aurait pas été considéré de valeur identique sur le marché du travail, pas plus qu’il n’aurait offert les mêmes garanties de poursuite d’études, et a fortiori de réussite ultérieure.

L’introduction d’une part de contrôle continu dans les épreuves du baccalauréat représenterait par ailleurs une véritable aubaine pour l’enseignement privé. Au niveau du collège, les flux d’élèves entre enseignement public et enseignement privé bénéficient au privé. Par contre, au niveau du lycée, la tendance s’inverse. Comment expliquer cette distorsion ? En partie par la présence ou l’absence de contrôle continu à l’examen final. La part du contrôle continu dans le brevet des collèges atteint quasiment les deux tiers de l’évaluation finale : afin de justifier des taux de réussite élevés, ce en quoi réside leur principal argument publicitaire d’attractivité, les établissements privés sont tentés de gonfler avec générosité les notes distribuées en cours d’année (ce qui possède aussi l’avantage de donner l’impression aux parents-clients que l’investissement financier consenti est bien rentabilisé). Par contre, le contrôle continu reste pour l’instant encore absent pour l’obtention du baccalauréat. Dans la très grande majorité des cas, la scolarisation dans un lycée public reste la voie de réussite offrant le plus de garanties, y compris pour les familles qui visent l’excellence. D’où l’inversion logique des flux. Quoiqu’on en dise, le bac est encore loin d’être bradé. Il doit donc conserver son caractère d’examen national et anonyme. C’est en cela aussi que réside la défense de l’exigence républicaine.

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