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On a tous besoin de laïcité…

Si l’on devait retenir deux termes pour caractériser en préalable l’importance de la laïcité dans la définition de notre contrat social, ce serait sans doute ceux d’universalité et d’actualité. Il s’agit en effet d’un principe à visée universaliste, quand bien même certains s’échinent à la rétrécir à une simple et vulgaire singularité française. Si notre pays porte une conception singulière de la laïcité, celle-ci ne peut pas pour autant être perçue comme une pure exception française. Tous les peuples éprouvent un besoin vital de bénéficier de ses vertus : elle constitue à bien des égards un parfait résumé de la devise républicaine « liberté égalité fraternité ». Elle garantit la liberté, notamment de conscience et de culte ; elle favorise l’égalité par-delà les croyances et les différences ; elle institue les conditions de la fraternité par une appartenance commune à l’humanité une et indivisible.

Elle suscite des débats constamment renouvelés par l’actualité. La laïcité ne saurait être non plus une antiquité, ce à quoi certains de ses détracteurs voudraient la reléguer, sans pour autant avancer d’argument en raison. Au contraire, elle se situe au cœur des enjeux de société les plus imminents, en France comme dans l’ensemble de la planète. Le simple survol du dernier numéro du Canard enchaîné peut en témoigner si besoin était.

Les exactions des nationalistes hindouistes à l’encontre des lieux de culte musulmans aboutissant parfois à des meurtres, avec notamment les méfaits décomplexés d’une milice de protection des vaches sacrées, sont dopées par les victoires électorales du Premier Ministre Narendra Modi. La sortie du dernier livre de Salman Rushdie rappelle les ravages du fanatisme religieux illustré par la fatwa de l’ayatollah Khomeyni qui reste toujours en vigueur, comme l’a confirmé la tentative d’assassinat du 12 août 2022 perpétrée à l’encontre de l’auteur des « Versets sataniques ». Dans un autre domaine, celui du combat pour l’hégémonie culturelle, on peut noter l’offensive prosélyte en vue d’une reconquête religieuse dans les médias orchestrée par la galaxie Bolloré, aussi bien sur ses chaînes de télévision que dans ses maisons d’édition. Et ce quand bien même le magnat breton affirme devant une commission d’enquête parlementaire n’avoir aucun projet idéologique… Il en va aussi de la sphère géopolitique qui tirerait grand profit à instiller dans ses complexes équations une dose non négligeable de rationalité que la laïcité peut apporter à la résolution des conflits. Les exemples abondent, dans le conflit israélo-palestinien où la dimension religieuse est certes souvent instrumentalisée pour masquer les réalités impérialistes et coloniales, dans la guerre au Yémen et ses prolongements en mer Rouge où là aussi en arrière-plan des oppositions religieuses apparaissent des enjeux de puissances aux échelles régionales et internationales.

Les discours, passé et présent, en Sorbonne du Président Macron, promouvant une improbable et insaisissable souveraineté européenne pour justifier un saut fédéraliste dans le dos des peuples, ont de quoi inquiéter. La Constitution reste (encore) le seul texte sur lequel la primauté du droit européen ne s’exerce pas. Le concept d’identité constitutionnelle protège la laïcité des coups de rabot de la machinerie européenne. Jusqu’à quand, est-on en droit de se demander, quand on prend la mesure des velléités fédéralistes projetées.

La laïcité n’est décidément pas une option ; c’est bien une nécessité à préserver et à étendre dans un même élan. Elle doit faire partie de l’identité constitutionnelle de la France.

Francis DASPE  

27 / 04 / 2024

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