LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 166 NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2023

Sommaire du numéro 166 : Spécial « Union Européenne »

  • Edito de Francis DASPE « La question européenne : le verrou et la pelote » page 2
  • Florilège de tribunes sur le thème « L’affaire du référendum de 2005 »page 3
  • Florilège de tribunes sur le thème « De quoi l’Union Européenne est-elle le nom ? » page 11
  • Fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2023 page 16

La question européenne: le verrou et la pelote

La question européenne est centrale. Les bases sur lesquelles s’est réalisée la construction européenne agissent à l’égal d’un verrou. Ce n’est pas une exagération d’affirmer qu’une grande partie des politiques menées dans chacun des Etats membres de l’UE sont pilotées par les instances européennes. Les différents projets doivent passer sous les fourches caudines de la concurrence libre et non faussée. Il en résulte l’injonction à multiplier les privatisations. Les directives de libéralisation affectent de plein fouet les secteurs de l’énergie ou des transports, déstabilisant puissamment de la sorte ces services publics. La politique fiscale est orientée vers la baisse des impôts redistributifs au motif qu’ils mettraient en danger l’investissement et la croissance, pour favoriser les taxes au mieux proportionnelles particulièrement douloureuses les catégories les plus modestes. Des retraites à la réforme territoriale, chacune de ces réformes ayant été qualifiées en leur temps par l’Union Européenne de « mère des réformes », c’est la déclinaison progressive et inéluctable de l’agenda des instances de Bruxelles qui s’impose. On pourrait sans peine multiplier à l’envi les exemples de cette inféodation structurelle.

Le risque d’exagération est surmonté à la seule condition d’indiquer qu’à la base se trouve un renoncement fondamental. Tout cela n’est rendu possible que par l’acceptation préalable des Etats à se dessaisir de leur souveraineté en de nombreux domaines touchant aux questions économiques et financières. Le verrou a été actionné par ceux qui se trouvent dépossédés de leurs prérogatives démocratiques. Il s’agit en réalité d’un jeu de rôle bien huilé, dévoilant les mécanismes d’une connivence entre oligarchies, induits par les effets d’une gouvernance de classe. Pourtant, les possibilités de se libérer du carcan européiste existent, pour peu que la volonté ne fasse pas défaut. Il suffirait de dérouler la pelote en tirant l’un des nombreux fils la constituant. Ce pourrait être le cas de la procédure de l’opting-out. Le terme désigne les options de retrait de certaines politiques communes européennes. Quand un Etat considère que ses intérêts vitaux ou stratégiques sont mis en danger, il peut s’en retirer. La France ne l’utilise pas, à l’inverse d’autres pays comme l’Angleterre qui a su en son temps l’actionner (certes pour des motifs opposés à nos idées).

Méditons le discours prononcé le 18 janvier 1958 devant l’Assemblée nationale par Pierre Mendès-France, à l’occasion du débat relatif à la ratification du traité de Rome. « Le projet du marché commun, tel qu’il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XIX° siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. […] L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ».

N’y a pas de plus belle illustration du déficit démocratique qui entache la construction européenne, entre verrou tiré sur les peuples et pelote épaisse à détricoter ?

Francis DASPE  25 / 10 / 2023

L’affaire du référendum de 2005  

Tribune n° 1 : Ne pas subordonner les fins aux moyens

Tribune parue dans une version réduite dans Politis n° 888 du 9 février 2006 sous le titre « Le clivage majeur concernait l’orientation libérale du traité ».

Dans une tribune parue dans le numéro 884 de Politis, Alain Lipietz estime que, dans le prolongement des résultats du référendum du 29 mai 2005, l’urgence consiste à unir les oui de gauche et les non de gauche semblablement fédéralistes, mais qui avaient emprunté des voies divergentes. Pour nous, militants d’une gauche républicaine et sociale, jaurésienne en somme, il s’agit d’une regrettable confusion potentiellement lourde de conséquences. Cette méprise laisserait en effet fort mal augurer d’un nécessaire processus, que nous appelons ardemment de nos vœux, d’élaboration d’un projet de gauche réellement alternatif en capacité d’offrir aux citoyens autre chose qu’une simple et rituelle alternance de circonstance. Le 29 mai n’est pas un aboutissement, mais constitue au contraire un formidable outil susceptible de faire bouger les lignes de démarcation.

            Les antagonismes relatifs au vote fondateur du 29 mai ne puisaient pas leurs racines dans des conceptions organiques opposées de l’Union Européenne : il ne s’agissait absolument pas d’une querelle institutionnelle. C’est effectivement un enjeu d’une autre importance qui émergea très vite de la campagne référendaire, et en face duquel  les débats purement institutionnels tournèrent rapidement à la discussion byzantine pour être in fine et fort heureusement relégués au second plan. Le clivage majeur concernait l’orientation libérale du projet de traité constitutionnel ; il y avait ceux qui acceptaient, s’accommodaient, se résignaient, c’étaient selon, à un horizon déterminé par l’omniprésence d’une « concurrence libre et non faussée » sacralisée jusqu’à plus soif, et ceux qui la récusaient par-dessus tout. Tant et si bien que la formule de Lionel Jospin qui a largement participé d’une prise de conscience (involontairement) bénéfique à la cause du non possédait une part de vérité non négligeable : pour l’occasion, il était indiscutable que le oui de gauche et le oui de droite étaient compatibles, le dénominateur commun, dont il ne nous appartient pas ici d’indiquer s’il était  le plus petit possible ou au contraire élevé, en étant le libéralisme.

L’argument utilisé par Alain Lipietz nous paraît particulièrement spécieux. Il feint de croire, dans un accès de candeur voulons-nous croire, que « non faussée » visait le dumping social, fiscal et environnemental. Pour une approche moins déséquilibrée de la réalité, et sans verser dans une exégèse pour le moins absconse et aride, il lui aurait suffi de lire l’article 4, et constater que la « libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement » étaient promues au rang de « libertés fondamentales » (intitulé tel quel de l’article I-4 !).

Il ne faut pas être bien perspicace pour se rendre compte qu’en amalgamant ces trois principes, concurrence libre et non faussée, libre circulation des services et des capitaux, liberté d’établissement, on obtient tout bonnement la directive Bolkestein que l’on veut réintroduire par la fenêtre après que la majorité des citoyens français en eût expulsé sans ménagement le principe par la porte principale le 29 mai. L’objectif de cette directive, qui sera soumise au vote du Parlement européen le 14 février prochain, est en effet clairement affiché : « supprimer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services ». La liste des éléments considérés comme des « obstacles » et les conséquences des points considérés inadmissibles par ses opposants (principe du pays d’origine rebaptisé « mouvement libre des services », ampleur des simplifications administratives, conditions du principe du détachement des travailleurs, extension du champ d’application de la directive) vont tout au contraire dans le sens d’une incitation désormais légalisée au dumping dans toutes ses dimensions. Vouloir accréditer la thèse inverse équivaut dans le meilleur des cas à un contresens manifeste.

        C’est que le désaccord qui s’exprime ainsi procède d’une inversion préjudiciable des perspectives. Etre de gauche, c’est militer pour la justice sociale, veiller au respect de la souveraineté populaire démocratiquement exprimée (et dont le souverainisme, concept intrinsèquement de droite car méconnaissant les réalités quotidiennes sociales, se situe aux antipodes), favoriser la recherche de l’égalité, promouvoir les services publics qui sont le patrimoine commun de ceux qui, précisément, n’en possèdent point à titre individuel. La construction européenne ne doit pas être appréhendée comme une fin en soi. C’est, dans le meilleur des cas, un levier susceptible d’aider à la réalisation des objectifs précités, rien de plus mais déjà tout cela. La forme institutionnelle de l’Union européenne est en fin de compte secondaire et ne saurait en aucun cas servir d’obstacle pour des gens sincèrement déterminés à œuvrer. La pratique unitaire qui a structuré les différents comités pour un non de gauche l’a montré de façon éclatante. Nous serons résolument pragmatiques pour l’occasion, car nous serons partisans avant toutes choses de la solution la plus efficace et qui offre le maximum de chances de réussir.

            Il convient dans cette optique de veiller à ne pas verser dans un double fétichisme de bien mauvais aloi : fétichisme fédéraliste que de Gaulle avait en son temps stigmatisé en se gaussant de l’agitation compulsive « de cabris », mais aussi fétichisme de l’Etat-nation porté à un paroxysme stérile par les souverainistes. Ce n’est pas le contenant qui nous préoccupe au  premier chef, mais le contenu.

            L’idée d’une assemblée européenne constituante élue au suffrage universel procède pareillement d’erreurs d’appréciation identiques. Elle relève de la conjugaison d’une illusion nourrissant par voie de conséquence un mythe. Illusion de croire qu’il existe au jour d’aujourd’hui un espace de débat public à l’échelon européen, ce qui équivaudrait à promulguer de manière virtuelle l’existence d’un peuple européen. Qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, le cadre le plus approprié de l’exercice de la souveraineté populaire, donc de la démocratie, reste encore les Etats-nations, même si une grande partie des problèmes actuels ne peuvent être envisagés qu’à l’échelle européenne ou mondiale. C’est précisément dans ce décalage que réside une des principales difficultés à agir efficacement.

Pour y remédier, faisons nôtre la formule de Jean Jaurès qui affirmait que « beaucoup d’internationalisme ramène à la patrie », en ajoutant que l’action dans le cadre national doit désormais s’inscrire nécessairement dans une visée internationaliste rénovée. A condition toutefois de ne pas confondre internationalisme et supranationalisme, ce à quoi conduirait immanquablement la solution fédéraliste tant qu’il n’existera pas d’espace européen de débat public. Car s’il venait à ce que celui-ci émerge et qu’il soit démontré que le fédéralisme puisse être en capacité de devenir la forme d’organisation institutionnelle la plus adaptée pour procéder à la réalisation, ne fusse-t-elle que partielle, des objectifs de gauche, nous n’aurions alors aucune prévention à nous convertir au fédéralisme. Il apparaît manifestement que ce n’est pas le cas actuellement.

Par conséquent, ce serait mettre la charrue avant les bœufs que de réclamer une constituante, d’autant plus que dans ces conditions la mise sur pied effective de l’Europe sociale s’apparente à une gageure confinant au domaine du mythe. Pour beaucoup en France, et depuis le fameux tournant de 1983, le projet fédéraliste européen a servi à masquer autant que faire se peut le renoncement à un projet de démocratie socialiste, la parenthèse libérale n’ayant pas vocation à être réellement refermée. Si bien qu’au lieu de parler de compatibilité, il eût été plus exact de dire que le oui de gauche et le oui de droite étaient tous deux solubles dans le libéralisme.

            En fin de compte, ce n’est pas d’adopter le slogan « fédéralistes de tous les pays unissez-vous » qui soit la stratégie la plus judicieuse pour insuffler une dynamique nouvelle à la gauche, mais la véritable urgence consiste à créer les conditions d’un indispensable rassemblement des antilibéraux, d’abord de France et de Navarre, puis de ceux de nos partenaires européens, et ce sans exclusive. C’est à ce prix qu’il sera possible d’élaborer une alternative digne de ce nom, populaire et progressiste, à la mondialisation conquérante effectuée sur des bases néolibérales et dont la concurrence libre et non faussée était la déclinaison dans le cadre européen.

            C’est ce nouveau clivage qui doit aujourd’hui amener les lignes à bouger globalement à Gauche. Parce qu’il est au cœur de la vision de société que l’on nous propose, le libéralisme financiarisé à l’excès nous oblige à nous positionner d’abord par rapport à lui sans se cacher derrière des faux-semblants. Les électeurs du 29 mai jugeront les uns et les autres là dessus comme ils seront attentifs à la cohérence affichée et à l’énergie mobilisée par chacun pour partir à la bataille en bon ordre de marche. Le combat ponctué par la glorieuse victoire du 29 mai se poursuit. N’en doutons pas, d’autres batailles sont à venir : celle relative à la directive Bolkestein, actuellement tâche prioritaire, sera l’occasion d’évaluer la sincérité des uns et des autres comme de se compter aussi bien dans la rue ou dans les réunions publiques que dans les travées du Parlement européen. Tomberont alors peut-être certains masques.

Dans la recherche d’une efficacité maximale, le principal écueil à éviter est de subordonner les fins aux moyens. La gauche républicaine et sociale, dans la diversité de ses composantes, entend jouer un rôle de premier plan dans les débats qui s’ouvrent. Forte de ses prises de positions antérieures lui  garantissant crédibilité et cohérence, elle a vocation à y apporter sa contribution, ne serait-ce qu’en pointant opportunément les confusions qui ne manqueront pas de proliférer : le risque de dénaturer le vote du 29 mai n’existe hélas que trop. La plus grave des fautes serait de réduire à néant l’espoir suscité que les multiples forums institués par les comités unitaires pour un non de gauche, cimentés par un rejet sans ambiguïté du libéralisme, avaient suscité.

François COCQ, Francis DASPE, Mathieu DUMOULIN

 

Tribune n° 2 : De l’art de bien voter… ou de ne plus voter !  

Tribune parue dans l’édition du mardi 31 octobre 2007 de L’Humanité.        

Le traité européen modificatif signé au récent sommet de Lisbonne par les chefs d’Etat ou de gouvernement devrait être selon les propos du président de la République Nicolas Sarkozy ratifié par la voie parlementaire. Il s’agit d’un véritable hold-up démocratique plus de deux ans après la victoire aux alentours de 55 % du non, le 29 mai 2005. Il tombe sous le sens que ce qui a été décidé par référendum ne peut être modifié que par une même procédure référendaire selon le principe difficilement contestable que seul le peuple est habilité à défaire ce qu’il a fait. Cela met en jeu le respect de la souveraineté populaire exprimée par la voie la plus démocratique qui puisse être.

Ajoutons également que ce traité modificatif n’est en rien le traité simplifié que l’on veut nous vendre. En dépit des efforts faits par ses promoteurs, il ne peut en effet être considéré comme modifié qu’à la marge par rapport au TCE. Il suffit pour s’en convaincre de lire la dernière tribune parue dans un quotidien national de Valéry Giscard d’Estaing, père du traité constitutionnel rejeté, qui estime, en forme d’aveu, que la nouvelle mouture reprend les idées du précédent texte : pour lui, « la différence porte davantage sur la méthode que sur le contenu ». Le qualificatif de « simplifié » se révèle tout aussi abusif : les versions des deux traités ont en partage un jargon technocratique pareillement illisible. Il paraît également difficile de parler de « mini » (traité) pour une telle somme multipliant les renvois aux traités antérieurs.

            L’exigence (démocratique) d’un nouveau référendum s’impose d’autant plus qu’il faut se souvenir du profond décalage (démocratique) révélé pendant la campagne : le non l’avait emporté alors que près de 90 % des parlementaires et des médias militaient pour le oui. Cette très nette dichotomie est extrêmement préoccupante quant au fonctionnement de notre démocratie représentative et constitue un symptôme éclatant de la crise du politique. Tout ce qui serait de nature à l’entretenir, pire, à l’aggraver, se révèlerait véritablement malvenu.

            On connaissait l’art du « bien voter » qui avait été signifié il y a une dizaine d’années aux citoyens danois et irlandais : après qu’ils aient rejeté les traités de Maastricht et de Nice, ils avaient « généreusement » bénéficié d’un second scrutin, de rattrapage, pour faire acte de contrition et invalider leur première décision. A la seule politique économique possible, il était proclamé, à grand renfort de culpabilisation de citoyens décidément fort effrontés, qu’il n’y avait à présent qu’une seule façon de voter. Une étape supplémentaire est désormais franchie : « mal voter » entraînera à présent la suspension du droit de voter ! Pas même de seconde session cette fois-ci !

            Les modalités de ratification de ce traité doivent interroger au premier degré la gauche. Toute la gauche bien entendu, et sans oublier de prendre en considération pleinement, sans l’occulter ou le minimiser, le rôle qu’a joué en 2005 le « non de gauche ». Certes, celui-ci n’était pas majoritaire à lui seul (il fut tout de même estimé entre 30 et 35 % des suffrages !) mais c’est lui qui a impulsé la dynamique génératrice de l’immense mobilisation citoyenne et du débat argumenté de haute tenue qui ont mis conjointement en exergue la nature profonde du TCE.

            C’est donc à cet aune que l’attitude du Parti Socialiste, pourtant cruellement désavoué par sa propre base il y a deux ans, doit être appréhendée aujourd’hui. Il n’est ni concevable, ni acceptable, que le PS foule aux pieds l’idée même de souveraineté populaire en laissant passer par voie parlementaire l’ersatz d’un texte que les citoyens français eux-mêmes ont rejeté massivement et sans ambiguïté en mai 2005. Il existe des principes qui ne peuvent être bradés sur l’autel de la realpolitik.

            Cela pose plus globalement la conception nouvelle que le parti socialiste se fait de la vie politique. En accréditant l’idée que seuls les deux grands partis institutionnels ont leur mot à dire sur une question aussi fondamentale, il acte de fait qu’il est seul à même d’incarner l’alternance et contribue de la sorte à imposer encore un peu plus un système binaire à l’américaine excluant toute possibilité d’alternative. Qu’importe s’il faut pour cela renier les engagements que le parti et la candidate avaient pris de concert lors des scrutins présidentiel et législatif du printemps !         

            Derrière ces manipulations, on voit aussi que se joue au PS la conquête de l’appareil. De calculs intéressés à court terme en alliances de circonstance, de préservation d’une unité à la fois sacralisée et instrumentalisée en renoncements peu glorieux, c’est l’image d’un parti replié sur lui-même et déconnecté de la France que donnent les socialistes. C’est surtout le triste aveu d’un parti déboussolé qui après avoir renoncé à être une force de transformation sociale abroge désormais l’idée même de changement. Les enjeux internes ne peuvent en aucune manière servir d’alibi à une retraite en rase campagne.

            La démarche de nos actuels gouvernants et des autorités bruxelloises, mais aussi d’une partie de ce qui devrait être une opposition résolue devant un tel déni démocratique, est pour le moins singulière et cavalière. La méfiance affichée à l’égard des peuples, ce que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de manière plus tranchée de mépris, ne laisse pas augurer d’auspices engageantes. Faudrait-il dans ces conditions s’étonner si les citoyens se détournaient davantage des enjeux de la construction européenne en particulier et de la vie politique en général ? La tenue d’un référendum à propos du traité de Lisbonne dans des conditions équitables peut en atténuer les effets dévastateurs, et ce quelle qu’en soit l’issue. Alors, votons !

François COCQ et Francis DASPE

Tribune n° 3 : 29 mai 2005 : aux racines du malaise démocratique et du mal politique

Tribune parue dans une version réduite sur le site de Le Monde le 28 mai 2015 sous le titre « La Gauche et le trou noir démocratique du 29 mai ».

Il y a dix ans, le peuple français prenait résolument ses affaires en main. Il rejetait massivement le traité constitutionnel européen (TCE), 55% des électeurs votant non, avec une participation  élevée pour une telle consultation de 70%. Ce résultat était d’autant plus remarquable que six mois auparavant les sondages accordaient une très nette victoire au oui. A tel point que certaines voix s’élevaient pour remettre en cause l’utilité même d’un référendum, estimant de surcroît que les Français ne s’intéresseraient pas au long et complexe texte constitutionnel soumis au vote. Les faits allaient démentir cette prédiction qui se voulait en réalité auto-réalisatrice. Au contraire, le peuple français exprimait un désaccord profond avec la majorité des partis politiques, des parlementaires et des médias qui faisaient campagne activement pour le oui. La multiplication des réunions publiques dans de très nombreuses communes témoignait de la vitalité démocratique : les citoyens s’étaient indiscutablement approprié le fait politique.

Cette période d’intense implication citoyenne, à un moment charnière entre la fin de la Chiraquie et le début de la Sarkozye, aurait pu et dû être un levier pour l’émergence d’une gauche de transformation sociale. C’est-à-dire d’une gauche fidèle à sa mission historique. Car le non rassemblait la gauche tandis que le oui la divisait. Lionel Jospin sorti de sa retraite n’avait-il pas vendu involontairement la mèche en affirmant que le oui de gauche et le oui de droite étaient compatibles ? Ce qui était vrai. Par la concurrence libre et non faussée, ils avaient en partage une vision libérale de l’économie et de la société.

Cette campagne, citoyenne, unitaire et dynamique, avait tout pour être un moment politique démocratique fondateur. Un succès aussi éclatant de la souveraineté populaire, en dépit de la coalition des forces du système en place, ne peut être que célébré. Dix ans après, que reste-t-il de ce printemps démocratique ? Principalement, un double sentiment de gâchis et de trahison.

Gâchis et trahison

Deux accrocs changèrent en effet les données politiques. Gâchis avec le premier qui fut l’incapacité de cette gauche du non à se rassembler en vue de la présidentielle de 2007. La synthèse du Congrès du Mans en novembre 2005 montrait que les socialistes prétendument frondeurs rentrent au final bien vite dans le rang… L’éparpillement des candidatures à la gauche du PS confirmait pour sa part de la persistance de la logique d’appareil alors même que la campagne de 2005 s’était révélé une formidable insurrection citoyenne unitaire. Trahison avec le second qui fut la forfaiture démocratique que constitua l’adoption du traité de Lisbonne, copie quasi conforme du TCE rejeté, par la voie parlementaire en 2008. L’initiative du président Nicolas Sarkozy rencontra le soutien de nombreux parlementaires socialistes.  Parmi ces derniers, certains votèrent pour le traité de Lisbonne tandis que d’autres s’abstinrent « courageusement »…

Dès lors la dynamique ainsi construite fut brisée. Ce véritable déni démocratique explique en grande partie la crise politique que la France traverse. Jugez-en plutôt ! La participation électorale avait été élevée : aujourd’hui l’abstention devient le fait majeur chaque dimanche soir d’élection. La campagne avait été perçue comme un printemps démocratique joyeux : aujourd’hui la fatalité et la résignation règnent en maîtresses. La confiance dans l’action politique avait été régénérée : aujourd’hui le discrédit de la chose politique a repris le dessus. Le non de gauche avait été l’élément moteur de la victoire : aujourd’hui le FN prétend capter à son profit exclusif la critique du fonctionnement de l’Union européenne et de ses politiques. La concurrence libre et non faussée que l’on prétendait graver dans le marbre avait été rejetée : aujourd’hui l’austérité est devenue la règle d’or que l’on applique sur le dos des peuples à l’égal d’un fer rouge.

Des reculs de souveraineté inimaginables

L’impact de ce déni démocratique est considérable pour la gauche. Les politiques européennes de dessaisissement de la souveraineté populaire n’ont plus eu de limites : les digues ont été rompues. Même les fonctions les plus régaliennes sont affectées par des mesures de privatisation. Ce qui apparaissait comme impensable.

La monnaie avec la sacralisation de l’indépendance de la Banque centrale européenne se situe hors de portée de la volonté politique. La politique fiscale est également corsetée : les impôts sur les hauts revenus, les entreprises et le capital étant quasiment proscrits au nom de la politique de l’offre et de la compétitivité, les gouvernements doivent opter pour l’augmentation de l’impôt injuste qu’est la TVA. La répartition des fruits de l’impôt, autrement dit la politique budgétaire, doit être validée par la Commission européenne en fonction de standards bien éloignés des valeurs de la gauche. Le Grand Marché Transatlantique prévoit même une forme de privatisation de la justice : le recours à des arbitrages privés livrera les Etats à des intérêts particuliers portés par les lobbies et les firmes transnationales.

Le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker l’a bien dit au lendemain de la victoire de Syriza en Grèce. « Il n’existe pas de choix démocratiques en dehors des traités européens ».

Un diktat antidémocratique

La portée régressive des politiques européennes est incontestable. Elles reviennent sur les acquis des combats révolutionnaires et du mouvement ouvrier. Il s’agit bien d’un véritable trou noir démocratique. Pierre Mendès-France l’avait déjà anticipé aux origines de la construction européenne. En témoignent les extraits de son discours prononcé devant l’Assemblée nationale à l’occasion du débat du 18 janvier 1957  relatif à la ratification du traité de Rome. « Le projet du marché commun, tel qu’il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XIX° siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. […] L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ».

Ces propos prennent toute leur actualité. La Gauche ne peut accepter le diktat exprimé de manière cynique par Jean-Claude Junker. Il puise ses racines dans les conditions même de la construction européenne. Le traitement  du non du 29 mai 2005 a fait sauter quelques unes des dernières digues qui préservaient la souveraineté populaire. L’après 29 mai 2005 constitue bien un trou noir démocratique. Là se trouve le verrou qu’il s’agit de faire sauter. Aux racines du mal politique français et européen se trouve ce grossier bras d’honneur adressé aux peuples. Il n’est pas possible de faire l’économie d’une réflexion de fond, si douloureuse soit-elle. On ne peut à cet égard que noter l’orgueil déplacé du Parti socialiste qui avait crû s’en exonérer en proclamant, pour reprendre son expression, « en sortir collectivement par le haut ». Au mieux une illusion, dans tous les cas une escroquerie.

Cet épisode pose clairement la question d’une 6° République avec le référendum révocatoire d’initiative citoyenne pour les élus qui trahissent la souveraineté populaire et ne tiennent pas leurs promesses. Ou qui dénient au peuple toute capacité de choisir son destin en exerçant simplement sa souveraineté. Un préalable pour que la Gauche puisse renouer avec le peuple.

Francis DASPE

De quoi l’Union Européenne est-elle le nom ?

Tribune n° 1 : La gouvernance européenne au service d’une politique de classe

Tribune parue dans l’édition de mardi 6 juillet 2010 de L’Humanité sous le titre de « Gouvernance européenne de classe ».

La Commission de Bruxelles a émis le souhait de soumettre à l’avenir les budgets des états membres de l’Union européenne à un double contrôle des instances européennes, elle-même puis le Conseil européen des ministres des finances, avant leur vote devant les Parlements nationaux. Cette proposition illustre de manière éclatante le double déficit, démocratique et social, caractérisant la construction européenne depuis le début.

Cette mise sous tutelle des Etats en matière budgétaire consacre une étape supplémentaire dans le non respect de la souveraineté des peuples. La Commission s’octroie de facto la prérogative quasi exclusive de surveiller la dépense publique, se posant en arbitre suprême de sa supposée orthodoxie comme le faisait en son temps le tribunal de l’inquisition à propos de la foi. Il est bien évident que ses sentences iront à l’encontre des orientations qu’auraient pu prendre les peuples à l’occasion de consultations électorales. Cela revient en somme à graver dans le marbre une seule politique en matière économique, à l’instar de la tentative faite avec la « concurrence libre et non faussée » lors du traité constitutionnel européen, massivement repoussé par les citoyens français le 29 mai 2005 mais finalement imposé en catimini par un subterfuge nommé traité de Lisbonne.

Que cette proposition ait pu être saluée positivement par certains au motif d’une meilleure gouvernance accentue le malaise. Les progrès de gouvernance équivalent à des régressions démocratiques : pour nos élites, c’est le moyen le plus efficient pour contourner ou ignorer la voix populaire démocratiquement exprimée. La logique même des traités européens, de Maastricht à Lisbonne en passant par Amsterdam sans vouloir remonter à Rome, agit à l’égal d’un verrou en matière de fonctionnement démocratique.

La gouvernance comporte en fait une autre finalité qui apparaît rapidement en filigrane : l’approfondissement prévisible et mécanique du déficit social. En effet, la mise en application d’une telle mesure se traduira automatiquement par un durcissement des politiques de rigueur et d’austérité, que les termes soient employés ou pas ne changeant rien à l’affaire. Le but de celles-ci est bien connu : faire supporter le poids de la crise par ceux qui d’Athènes à Madrid en passant par Paris n’en sont pas responsables. Les effets fondamentalement rétrogrades sont déjà concrètement à l’œuvre, que  ce soit en terme d’appauvrissement des services publics, de casse du système solidaire des retraites, de restrictions en terme d’emploi ou de démantèlement de la protection sociale.

Il devient urgent qu’une prise de conscience salutaire se fasse au sein de la population victime de ces iniquités. L’enjeu vise à établir dans un nécessaire travail d’éducation populaire les relations de causalité entre des orientations prises au niveau européen et la dégradation des conditions de vie quotidienne affectant la majorité de nos concitoyens.

Cette proposition de limitation de la souveraineté budgétaire des gouvernements nationaux résume à elle seule l’impasse dans laquelle se trouve la construction européenne conçue en fonction de la tyrannie de la « seule politique possible » d’inspiration libérale et véhiculée par des élites politiques de surcroît pas toujours élues. Le concept de gouvernance se révèle être un redoutable outil au service d’une politique de classe allant à l’encontre des intérêts des peuples. La double besogne conjuguant déni démocratique et casse sociale ne saurait cependant attribuée à la seule responsabilité de l’échelon européen. Rien ne peut se faire sans la duplicité confondante et la connivence à peine masquée de gouvernements dont le dénominateur commun réside dans un ralliement plus ou moins assumé au libéralisme. L’efficacité de la riposte passe aussi par la prise en compte de la complexité de cette intrication s’apparentant à une collusion d’intérêts.

Francis DASPE

Tribune n° 2 : Internationalisme et supranationalisme, ou la méprise organisée

Tribune parue sur le site de Marianne le 3 octobre 2012 sous le titre « Non, le supranationalisme n’est pas l’internationalisme ! ».

Généralement, l’ultime argutie des européistes en panne d’arguments en vue de justifier une Europe construite à coup de concurrence libre et non faussée consiste à affirmer qu’ils seraient les meilleurs garants de la paix. C’est la reprise de la vieille antienne assimilant le commerce à la paix. Pour ce faire, ils ne craignent pas à se présenter comme des partisans inconditionnels et exclusifs du rapprochement des peuples. Pour peu, ils se draperaient sans vergogne des oripeaux de l’internationalisme !

Il s’agit d’une prodigieuse imposture à laquelle il faut tordre le coup afin d’éviter toute méprise. La supercherie porte sur la confusion entretenue à souhait entre les notions d’internationalisme et de supranationalisme. Elles ne se recoupent ni se superposent, mais au contraire s’opposent frontalement.

L’internationalisme, issu de la tradition des combats ouvriers des siècles passés, s’appuie sur les peuples et le respect de leur souveraineté démocratiquement exprimée par les citoyens. Aux antipodes, le supranationalisme s’évertue à dissoudre les peuples au nom d’une gestion technocratique présentée comme plus à même de définir l’intérêt général. Un outil a été progressivement forgé à cet effet : c’est la gouvernance accommodée à toutes le sauces dès lors qu’il s’agit de gouverner en contournant les citoyens. C’était en cela que résidait la méthode Monnet, architecture de la construction européenne dès ses origines : un monde dans lequel les experts sont rois.

Le supranationalisme vise délibérément à détruire toutes les formes de souverainetés populaires. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le Mécanisme européen de solidarité (MES) en constituent à la fois une illustration éclairante et une accélération décisive : les souverainetés budgétaire et monétaire passent à leur tour à la broyeuse. Les peuples sont conviés à abdiquer leurs prérogatives d’essence démocratique les unes après les autres. Même les représentants du peuple, à qui on aurait dû expliquer qu’ils n’existent qu’au travers du mandat conféré par les citoyens, ne rendront désormais compte qu’à des personnes non élues n’en rendant elles-mêmes à personne. Si ce n’est, bien entendu, aux dogmes de la doxa libérale gravée dans le marbre et mise au service d’une politique de classes cyniquement décomplexée.

Un des enjeux du combat pour l’hégémonie culturelle, pour reprendre Gramsci, auquel nous convient les débats relatifs à la ratification du TSCG consiste précisément à démontrer que le supranationalisme constitue l’exact contraire de l’internationalisme. Sans quoi les fervents dévots du supranationalisme post-démocratique réaliseraient le tour de force de faire culpabiliser d’authentiques internationalistes en les accusant d’opter pour des replis frileux, et ceci au seul motif de récuser fermement le supposé universalisme du marché roi. Ce fut ce à quoi visait grossièrement le scandaleux éditorial de Serge July paru dans Libération au lendemain de la victoire du non au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen, n’hésitant pas à utiliser l’expression « épidémie de populisme » et à qualifier le verdict des électeurs français de « chef d’œuvre masochiste ».

Dans le registre des citations, préférons en mettre en exergue deux autres offrant des références de nature à dévoiler la supercherie des européistes. Pierre Mendès-France justifiait devant l’Assemblée nationale le 18 janvier 1957 de la sorte son opposition à la ratification du traité de Rome instituant la CEE : « Le projet du marché commun, tel qu’il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XIX° siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. […] L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ». Voilà une analyse qu’il serait bien difficile de ne pas considérer comme prémonitoire !

Paraphrasons pour terminer la célèbre formule de Jean Jaurès (Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme en rapproche) en affirmant que l’internationalisme se nourrit de la parole des peuples souverains tandis que le supranationalisme les en prive de manière irréversible. Le préfixe « supra » indique bien qu’il existerait une autorité supérieure à celle des peuples. Cette autorité là, que nous pouvons reconnaître aisément dans la troïka (BCE, Commission européenne, FMI), se donne la mission de les disqualifier. La machinerie européenne montre clairement le mépris dans lequel elle tient les peuples. Quand ils fournissent une réponse différente de celle attendue au nom de la « seule politique possible » tenant lieu de camisole de force, il leur est enjoint l’ordre de rectifier dare-dare le sens de leur vote. Pour d’autres peuples certainement jugés irrécupérables, le droit de vote  leur est tout simplement retiré…

Saisissons l’occasion de la journée du dimanche 30 septembre prochain pour faire entendre la voix du peuple, prélude à la nécessaire révolution citoyenne qui fera tomber toutes les Bastilles présentes et à venir. Le TSCG ne saurait être ratifié sans référendum.

Francis DASPE

Tribune n° 3 : La visée contre-révolutionnaire de la construction européenne

Tribune parue sur le site de Marianne le 23 mai 2014.

Les révolutions sont des phénomènes éruptifs pour lesquels il est aisé de discerner un déclenchement. On ne peut par contre pas en dire autant des contre-révolutions : il s’agit bien souvent de processus à la fois plus insidieux et éminemment complexes. Les actes de ruptures y sont plus difficiles à identifier.

La mise en perspective de la situation actuelle caractérisant les orientations de l’Union européenne et des racines de la Révolution française est à cet égard édifiante. Deux revendications furent aux origines des événements de 1789 : le libre consentement à l’impôt, la libre disposition des fruits de celui-ci. Ces fondements de la démocratie sont aujourd’hui fortement remis en cause par l’Union européenne.

En quoi consiste le libre consentement à l’impôt ? Il s’agit déterminer en toute souveraineté qui paye l’impôt, quel impôt est payé, à quel taux il est payé. En quoi consiste la libre disposition de l’impôt ? C’est de délibérer à quoi serviront les recettes fiscales, en somme d’édifier un budget en fonction des priorités politiques retenues.

Ces droits élémentaires sont méthodiquement remis en cause par l’Union européenne. La Commission de Bruxelles possède désormais un droit de regard sur les budgets des Etats membres ainsi que sur le débat parlementaire qui précède le vote. Ses recommandations s’inscrivent dans une finalité claire : réduire les dépenses publiques conformément au dogme de l’austérité. Il y a donc mise sous tutelle par une instance supranationale non élue de la souveraineté budgétaire des Etats. En outre, certaines dépenses sont impitoyablement et systématiquement traquées : les dépenses sociales, les dépenses d’investissement, les dépenses en faveur des services publics. Des impôts n’ont pas bonne presse : ceux qui sont progressifs, ceux qui ont une fonction redistributive, ceux qui visent un meilleur partage des richesses et une plus grande solidarité, ceux qui touchent les revenus du capital. A l’opposé d’autres sont outrageusement recherchés : les impôts proportionnels (on n’ose pas encore les forfaitaires), les impôts indirects, les impôts sur la consommation, la TVA étant l’exemple parfait. On assiste de ce fait à un gigantesque transfert de richesses en faveur des plus nantis et au détriment des plus modestes, à l’image du système fiscal d’Ancien Régime.

Les autorités européennes intiment l’ordre aux gouvernements nationaux de ne plus décider du type d’impôt, des personnes assujetties et du taux. Cette tutelle est aggravée par la constitutionnalisation ad vitam aeternam d’une politique économique reposant sur la concurrence libre et non faussée et l’austérité. A ces deux piliers s’ajoute le dogme monétariste de l’euro fort, indépendant, à défaut de l’être des marchés, du pouvoir politique. La monnaie, fonction régalienne par essence, a été exfiltrée du champ d’intervention de la souveraineté populaire. Quel que puisse être à l’avenir le sens des votes des citoyens, aucune inflexion des politiques économiques n’est  possible : c’est le TINA (il n’y a pas d’alternative) thatchérien qui l’emporte.

Le processus à l’œuvre à l’échelon européen est bien de nature contre-révolutionnaire. Tout ce qui a été conquis est programmé pour se volatiliser. Les propos tenus par Pierre Mendès-France devant l’Assemblée nationale à l’occasion du débat du 18 janvier 1957  relatif à la ratification du traité de Rome prennent une résonance particulière :

« L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ».

Ils situent clairement un des enjeux des élections européennes du 25 mai prochain : mettre fin au déficit démocratique par la reconquête de la souveraineté populaire et la nécessité d’une nouvelle révolution citoyenne.

Francis DASPE

ASSOCIATION POUR LA GAUCHE REPUBLICAINE ET SOCIALE– Prométhée

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