LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 93 NOVEMBRE 2012

N° 93 – Novembre 2012

Sommaire du numéro 93 : Spécial Europe

– Editorial de François COCQ « Le veto ou les chaînes de l’esclavage »

– Tribune de Francis DASPE « Internationalisme et supranationalisme, ou la méprise organisée »

– Compte-rendu de la réunion de Mont-de-Marsan de l’AGAUREPS-Prométhée du 4 octobre 2012

– Brèves de rentrée page 7

– Une fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2012

 

Le veto ou les chaînes de l’esclavage

Le 11 septembre 1789, l’Assemblée Constituante votait le droit de veto au roi Louis XVI. C’est le début de deux ans et demi d’assauts de la part de la contre-révolution pour faire bifurquer le cours de l’Histoire qu’était en train d’écrire le Peuple.

Sous couvert de monarchie constitutionnelle, les despotes d’hier, bousculés par le Peuple tout l’été, entendaient rester les maîtres de demain. Ce jour-là se formalisait dans l’hémicycle autour de la question de la nature du souverain, une gauche et une droite qui porteraient désormais des intérêts incompatibles, celui du peuple tout entier pour l’une, la défense de la rente et des privilèges pour l’autre.

Le 18 octobre 2012, Angela Merkel se précipitait au Bundestag, avant même le sommet européen qui se tenait l’après-midi à Bruxelles, pour y réaffirmer sa volonté de confier à la commission européenne un droit de veto sur les budgets et les déficits des Etats de la zone euro. Sous couvert de rigueur budgétaire et bien que bousculée par le surgissement à travers l’Europe de l’insurrection populaire, l’oligarchie entendait conforter ses avantages par le règne de la dictature des marchés.

Ce jour-là, se formalisait dans toute l’Europe la séparation entre d’un côté ceux qui résisteraient au joug de l’austérité, et de l’autre ceux qui capituleraient devant les intérêts de la finance. Une séparation entre ceux qui défendraient d’un côté les intérêts du peuple tout entier, et ceux qui de l’autre défendraient la rente et les privilèges.

Une fois encore, la rupture avec l’ordre existant apparaît aux yeux du grand nombre chaque jour un peu plus comme une nécessité. Cette rupture radicale est de fait un processus révolutionnaire, qui rencontre inévitablement des résistances de la part de ceux qui veulent maintenir les privilèges de la classe dominante, et des acceptations qui valent capitulations de la part de ceux qui n’ont pas entendu Saint-Just nous rappeler que « ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau ».

Mais il est des soubresauts qui sont un signal. Quand l’ancien régime, sûr encore d’une force pourtant déjà évanouie, cherche à restaurer d’autorité son emprise sur le peuple, il perd toute légitimité.

Le signal a été donné.

 François COCQ (19/10/2012)http://cocq.wordpress.com/

Internationalisme et supranationalisme, ou la méprise organisée

Ce texte a été diffusé en tribune libre sur le site de internet de Marianne2 le 03 octobre 2012 sous le titre de « Non, le supranationalisme n’est pas l’internationalisme ! ». http://www.marianne.net/Non-le-supranationalisme-n-est-pas-l-internationalisme-_a223138.html

 

Généralement, l’ultime argutie des européistes en panne d’arguments en vue de justifier une Europe construite à coup de concurrence libre et non faussée consiste à affirmer qu’ils seraient les meilleurs garants de la paix. C’est la reprise de la vieille antienne assimilant le commerce à la paix. Pour ce faire, ils ne craignent pas à se présenter comme des partisans inconditionnels et exclusifs du rapprochement des peuples. Pour peu, ils se draperaient sans vergogne des oripeaux de l’internationalisme !

Il s’agit d’une prodigieuse imposture à laquelle il faut tordre le coup afin d’éviter toute méprise. La supercherie porte sur la confusion entretenue à souhait entre les notions d’internationalisme et de supranationalisme. Elles ne se recoupent ni se superposent, mais au contraire s’opposent frontalement.

L’internationalisme, issu de la tradition des combats ouvriers des siècles passés, s’appuie sur les peuples et le respect de leur souveraineté démocratiquement exprimée par les citoyens. Aux antipodes, le supranationalisme s’évertue à dissoudre les peuples au nom d’une gestion technocratique présentée comme plus à même de définir l’intérêt général. Un outil a été progressivement forgé à cet effet : c’est la gouvernance accommodée à toutes le sauces dès lors qu’il s’agit de gouverner en contournant les citoyens. C’était en cela que résidait la méthode Monnet, architecture de la construction européenne dès ses origines : un monde dans lequel les experts sont rois.

Le supranationalisme vise délibérément à détruire toutes les formes de souverainetés populaires. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le Mécanisme européen de solidarité (MES) en constituent à la fois une illustration éclairante et une accélération décisive : les souverainetés budgétaire et monétaire passent à leur tour à la broyeuse. Les peuples sont conviés à abdiquer leurs prérogatives d’essence démocratique les unes après les autres. Même les représentants du peuple, à qui on aurait dû expliquer qu’ils n’existent qu’au travers du mandat conféré par les citoyens, ne rendront désormais compte qu’à des personnes non élues n’en rendant elles-mêmes à personne. Si ce n’est, bien entendu, aux dogmes de la doxa libérale gravée dans le marbre et mise au service d’une politique de classes cyniquement décomplexée.

Un des enjeux du combat pour l’hégémonie culturelle, pour reprendre Gramsci, auquel nous convient les débats relatifs à la ratification du TSCG consiste précisément à démontrer que le supranationalisme constitue l’exact contraire de l’internationalisme. Sans quoi les fervents dévots du supranationalisme post-démocratique réaliseraient le tour de force de faire culpabiliser d’authentiques internationalistes en les accusant d’opter pour des replis frileux, et ceci au seul motif de récuser fermement le supposé universalisme du marché roi. Ce fut ce à quoi visait grossièrement le scandaleux éditorial de Serge July paru dans Libération au lendemain de la victoire du non au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen, n’hésitant pas à utiliser l’expression « épidémie de populisme » et à qualifier le verdict des électeurs français de « chef d’œuvre masochiste »

Dans le registre des citations, préférons en mettre en exergue deux autres offrant des références de nature à dévoiler la supercherie des européistes. Pierre Mendès-France justifiait devant l’Assemblée nationale le 18 janvier 1957 de la sorte son opposition à la ratification du traité de Rome instituant la CEE : « Le projet du marché commun, tel qu’il nous est présenté, est basé sur le libéralisme classique du XIX° siècle, selon lequel la concurrence pure et simple règle tous les problèmes. […] L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique, au sens le plus large du mot, nationale et internationale ». Voilà une analyse qu’il serait bien difficile de ne pas considérer comme prémonitoire !

Paraphrasons pour terminer la célèbre formule de Jean Jaurès (Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme en rapproche) en affirmant que l’internationalisme se nourrit de la parole des peuples souverains tandis que le supranationalisme les en prive de manière irréversible. Le préfixe « supra » indique bien qu’il existerait une autorité supérieure à celle des peuples. Cette autorité là, que nous pouvons reconnaître aisément dans la troïka (BCE, Commission européenne, FMI), se donne la mission de les disqualifier. La machinerie européenne montre clairement le mépris dans lequel elle tient les peuples. Quand ils fournissent une réponse différente de celle attendue au nom de la « seule politique possible » tenant lieu de camisole de force, il leur est enjoint l’ordre de rectifier dare-dare le sens de leur vote. Pour d’autres peuples certainement jugés irrécupérables, le droit de vote  leur est tout simplement retiré…

Saisissons l’occasion de la journée du dimanche 30 septembre prochain pour faire entendre la voix du peuple, prélude à la nécessaire révolution citoyenne qui fera tomber toutes les Bastilles présentes et à venir. Le TSCG ne saurait être ratifié sans référendum.

Francis DASPE

Compte-rendu de la réunion du 04 octobre 2012 à Mont de Marsan

1 – La demi-heure de l’actualité: présentation du livre « L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation »

Francis DASPE présente le livre co-écrit avec François COCQ qui vient de paraître aux éditions Bruno Leprince. Il dresse un rapide panorama des attaques subies par le système éducatif au cours des dernières années (économies budgétaires drastiques, marchandisation, remise en cause de la laïcité, gestion managériale, casse des statuts, conception minimaliste et utilitariste des savoirs etc.),

Le changement de majorité au printemps dernier a apporté une respiration bienvenue à l’institution scolaire. Mais quelques unes des orientations envisagées par le ministre en vue de la future loi d’orientation pour l’éducation posent problème et ne s’inscriront pas en rupture avec les années précédentes (concept libéral d’égalité des chances synonyme de renoncement à l’ambition collective dévolue à l’Ecole de la République, mirages d’une autonomie que l’on voudrait faire croire pouvoir être différente de celle portée par la droite, volonté de promouvoir un socle commun de compétences vecteur pédagogique d’une école à plusieurs vitesses etc.).

Quelques unes des mesures envisagées dans le livre sont débattues : allongement de l’obligation scolaire aussi bien en amont qu’en aval de 3 à 18 ans, allocation exclusive des fonds publics à l’école publique, résorption de la précarité, débat sur les mesures à envisager pour le collège unique, moyens de rétablir impérativement davantage de mixité sociale, maintien des cadres nationaux garants d’une égalité territoriale, systèmes de pré recrutement à même de susciter les vocation et d’élargir les bases sociales du corps enseignant.

Il est souligné d’appréhender de manière globale l’ensemble de ces mesures et de ne pas les couper d’un contexte plus large, ceci afin qu’elles produisent pleinement les effets attendus.

2-  Le grand débat : A l’heure du TSCG et du MES : changer l’Europe ou changer d’Europe ?

Xavier Dumoulin introduit la question mise en débat en montrant son actualité immédiate. Il détaille les différents dispositifs de chacun de ces deux textes, traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance d’une part, mécanisme européen de stabilité. Il note leur singularité, nouveau saut qualitatif dans les dérives de la construction européenne, mais les constantes repérables depuis les origines de cette même construction. Prolongées et approfondies par les différentes interventions, trois idées forces sont mises en évidence.

Il s’agit d’un déni démocratique, aussi bien par les modalités d’élaboration, les processus de ratification, l’abandon de la souveraineté budgétaire des Etats par l’instauration d’une seule politique possible dans la lignée du TINA thatchérien, les diktats de la troïka (Commission, BCE, FMI).

Tout cela repose sur des aveuglements idéologiques tragiques. C’est ainsi que les solutions préconisées sont en réalité les causes de la crise (affaiblissement du pouvoir d’achat, précarisation des salariés etc.). Aucune leçon n’est tirés de l’Histoire : les mêmes politiques fondées sur l’austérité, nommées alors politiques déflationnistes, ont été vouées à l’échec dans les années trente et ont conduit à la catastrophe, les dégâts occasionnés par les plans d’ajustement structurel du FMI sont visiblement oubliés. La règle d’or voudrait faire croire que l’on doit gérer les finances publiques en « bon père de famille ». Les non investissements d’aujourd’hui sont en fait les dettes et le chômage de demain.

Ces choix conduisent à des régressions sociales de grande ampleur. La casse des services publics et des systèmes de protection sociale est froidement programmée. Le droit du travail, curieusement perçu comme une rigidité et un obstacle à la compétitivité, est démantelé. Toutes les formes de dumping sont encouragées. Une règle s’établit subrepticement : les pertes sont socialisées, les profits sont privatisés.  L’inégal partage des richesses sera donc cyniquement aggravé

Des Actes plus développés et circonstanciés seront rédigés par Xavier Dumoulin. Ils permettront de retranscrire la grande richesse des débats.

Pour l’AGAUREPS-Prométhée, le Secrétaire général, Francis DASPE.

Les Brèves de l’AGAUREPS-Prométhée

Rentrée 2012 : Spécial Europe

● Les trois eRReuRs de Monsieur Hollande : Roms, Ratification, Règle d’or

L’actualité sociale, économique et politique des mauvaises nouvelles va bon train. Dans cet environnement international particulièrement grave, avec un dossier syrien qui suppose beaucoup de sang froid (les conséquences d’une action intempestive risquant de faire basculer la région dans une effroyable tempête), le gouvernement de la France n’aurait-il pas mieux à faire que de s’aligner sur les principes contre lesquels une grande partie de la Gauche s’était mobilisée ?

Il en est ainsi du dossier des campements dits de Roms. Les populations font l’objet d’une politique qui peut bien se draper dans la légalité sans convaincre vraiment les défenseurs des droits de l’Homme de sa légitimité. Avec de bien piètres arguments à l’appui, les dangers sanitaires restant entiers pour ces populations ainsi délogées, en errance et sans autres perspectives que celles de contrôles à répétition favorisant une psychologie de victimisation. Disons-le clairement, une telle politique fait peser un soupçon de démagogie aux antipodes des principes  et de la posture affichés lors de la campagne du candidat socialiste.

L’autre erreur, celle du glissement vers la ratification par voie parlementaire du pacte de stabilité Merkozy adopté en début d’année par ces deux figures européennes du libéralisme largement contestées dans les urnes par leur peuple respectif, pourrait bien être fatale. A l’heure d’une nécessaire remise en cause radicale des bases même de l’union européenne, cette pirouette du président français, justifiée par l’illusion d’une perspective de croissance, est de bien mauvais augure.

Quant à la règle d’or qui met à mort l’idée de souveraineté budgétaire, chacun comprendra que son intrusion dans une loi organique plutôt que dans la constitution ne change en rien la perspective ; celle d’un effet de cliquet supplémentaire qui conforte les logiques de Maastricht et d’Amsterdam (ces deux piliers originaux du néolibéralisme en Europe après l’acte unique tourné vers la construction du grand marché) tout en aggravant les pressions anti-sociales dans les budgets, dans le droit fil des traités de Lisbonne et du pacte Merkozy qui complètent à présent ce dispositif rejeté par les peuples. Avec pour seules ambition l’essor de la finance et, son corollaire, l’austérité pour les peuples, dans cet espace de marché européen, marchepied de la mondialisation libérale.

N’ y a-t-il pas une sorte de schizophrénie dans cette continuité de gouvernance chaotique quand, dans le même temps, le turbulent ministre Montebourg (que l’on sait inspiré d’une volonté de protectionnisme européen pour entamer la démondialisation) déclare partir à la reconquête de l’industrie nationale, de la croissance et de l’emploi ?

Arnaud boira donc le calice jusqu’à la lie quand tous les Ponce Pilate s’accordent dans leur silence époustouflant pour taire ces vérités élémentaires. De quoi  donner raison à Frédéric Lordon qui, dans la livraison du Monde Diplomatique de ce mois, dénonce la posture de « cet infortuné ministère du redressement productif (qui) se trouve de fait établi comme le lieu de totalisation de toutes les tensions du capitalisme mondialisé… mais sans aucun moyen – structurel – d’y apporter la moindre réponse. Si c’était une vilénie de M Hollande destinée à faire de la guipure d’un rival encombrant, autant l’en avertir tout de suite : il finira happé par sa propre machine et en sortira lui aussi en quenouille. Car le ministère de la transformation du capitalisme mondialisé sans aucun désir de transformation du capitalisme mondialisé fait partie de ces turbines à claques qui promettent de laisser les joues rouges à leurs malheureux ingénieurs. »

Xavier DUMOULIN  (11/08/2012) –  http://sr07.unblog.fr/

● Les lieux communs de la normalité politicienne

Gramsci, qui voyait en tout homme une part de philosophe, distinguait le sens commun du bon sens. Ce dernier tend à dégager l’individu de l’emprise idéologique des lieux communs, ces représentations sociales véhiculées et reproduites par différents canaux de socialisation (église, famille, médias, parti politique, école, université, syndicat, etc.). Le bon sens constitue ainsi un premier pas vers l’affranchissement des idées reçues. « La philosophie est la critique et le dépassement de la religion et du sens commun et, en ce sens, elle coïncide avec le bon sens, qui forme opposition avec le sens commun. »

Va-t-on à présent vers le bon sens en politique? Une politique de bon sens prend-elle le pas sur les platitudes éculées de la grossière gestion gouvernementale néolibérale conservatrice du précédent quinquennat ? Autrement dit, dans les sommets de l’Etat, d’où viennent les références qui inspirent l’action présente ? Dans le surgissement de  l’actualité économique et sociale estivale, l’opinion publique est gavée de discours et d’évènements médiatisés dont on se doit de méditer le sens et les raisons.

Il en est ainsi quand les pouvoirs publics expulsent des centaines de personnes des campements insalubres sans proposer pour autant de relogement systématique à des familles, avec enfants de très jeune âge, condamnées à l’errance. N’ y a-t-il pas lieu à s’interroger à la façon des membres de Médecins du monde dans leur tribune pour Libé : « […] on continue à rechercher les dividendes du « temps court », celui qui accompagne les expulsions avec leurs cortèges d’hommes en uniforme et de bulldozers. La stratégie est devenue plus torpide, le discours plus subtil, mais, sur le fond, l’intention politique est la même que celle du gouvernement précédent : utiliser la symbolique de la fermeté à l’égard de quelques centaines de personnes, considérées comme des Européens de seconde zone, pour montrer ses biceps. C’est à se demander si le meilleur service à rendre aux Roms ne serait pas de taire les expulsions, pour rompre le cercle, pas du tout vertueux, expulsions-médiatisation-bénéfice politique ! »

Il en va de même dans le registre des finances publiques. Quand le samedi 25 août à l’université d’été de la Rochelle, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, exerce ses talents de prestidigitateur devant une assemblée socialiste : « je ne veux pas être le Premier ministre du tournant de l’austérité ! », d’aucuns, emprunts de bon sens, murmurent tout  bas : « trop tard, c’est déjà fait ». Car l’objectif du retour à l’équilibre passe par un redressement des comptes et un retour du déficit public de la France sous les 3% du PIB en 2013 selon les lieux communs de l’Establisment politico-médiatique. Objectif qui vaut cette remarque plein de bon sens d’un militant socialiste : « Rendez-vous compte, cela représente un effort de 30 milliards d’euros. Jamais on n’a fait un tel saut, même pas en 1983 ».

Et l’on s’accordera avec la pertinente analyse de Guillaume Duval, journaliste au mensuel Alternatives économiques pour dénoncer les plates considérations sur la résorption du déficit public. Dans un titre provocateur, « Pourquoi la France n’a pas besoin de se serrer la ceinture », l’économiste expose la différence d’approche entre déficits courants et structurels, seuls en cause dans une saine gestion qui n’hypothèquerait pas la croissance et l’avenir. Son article pour Marianne repris dans ce blog pour la qualité de son raisonnement et sa pédagogie conclut ainsi : « Il n’y a donc pas lieu de demander de nouvelles mesures d’austérité aux douze autres pays de la zone euro et tout intérêt au contraire à y laisser jouer pleinement les « stabilisateurs automatiques » pour atténuer les effets de la nouvelle récession. Un tel mouvement serait également parfaitement compris par les investisseurs financiers, inquiets de voire la zone euro s’enfoncer dans la récession du fait des politiques budgétaires procycliques menées en son sein. »

Ces deux exemples offrent autant d’illustrations d’une vraie dérive d’une action gouvernementale prétendument socialiste et cependant en pleine « normalisation ». Dans la perspective de la ratification sans consultation référendaire du peuple de France du mal nommé pacte de stabilité et de croissance pour le second exemple. Dans un registre fort nauséabond pour le premier exemple.

Xavier DUMOULIN  (01/09/2012)

● Le traité européen leur fait perdre la raison

Lundi 1er octobre, le site du journal Le Monde publiait une tribune effarante (allez la chercher sur le site www.lemonde.fr si vous le souhaitez, je me refuse pour ma part à voir figurer un tel lien sur ce blog !) de Leila Aïchi et Robert Lion, tous deux conseillers régionaux d’Ile-de-France Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) intitulée « Ecologistes, nous devons ratifier le traité européen ».

Si hier devant l’Assemblée nationale le premier ministre Jean-Marc Ayrault était contraint d’avouer que le texte du traité est « identique » à celui signé en mars par Nicolas Sarkozy, les arguments jour justifier le ralliement au traité Merkozy prennent décidément des formes de plus en plus inquiétantes. Après l’épouvantail  de la sortie de l’euro agité par Jean-Marc Ayrault, voici que les deux élus EE-LV nous resservent dans leur tribune le choc des civilisations, celui-là même qui avait été théorisé par Samuel P. Huntington et  popularisé par Georges W. Bush et ses apôtres.

Leïla Aïchi et Robert Lion considèrent que « Rien ne nous apparaît plus vital – pas même la crise écologique – que de faire avancer la construction européenne ». Laissons-là ce nouveau paradigme plus que surprenant pour des écologistes, alors même que la crise écologique emmène immanquablement l’Humanité à sa perte et nécessite de fait de refonder notre pensée au regard de ces conséquences et donc de la bifurcation qu’il nous faut immédiatement engager par le biais de la planification écologique.

Car le pire est encore à venir. Le monde dessiné par les deux élus EE-LV, c’est l’Europe citadelle assiégée : « Les commandes seront aux mains des pays du Sud et de l’Asie, auxquels la puissance économique et la démographie auront donné de grands pouvoirs. L’Islam constituera la première force spirituelle. L’Afrique comptera près de deux milliards d’habitants : même ravagée par la misère et les famines, elle pèsera lourd sur l’échiquier mondial. »

Le refuge : l’Europe et ses « valeurs dites occidentales, auxquelles nous sommes viscéralement liés – particulièrement nous Français, héritiers de 1789 : nos valeurs pourraient se  trouver englouties. ». Avec la conclusion qui s’impose : « On ne peut compter que sur l’Europe, berceau de cette civilisation et praticienne éprouvée des droits qui la fondent. Il faut que l’Europe reste en scène, c’est le sens de l’Histoire qui est en jeu. ».

Rien ne manque au déroulé du choc des civilisations. Après plus de 10 ans que cette théorie régit la politique internationale de l’Empire, après un quinquennat de sarkozysme qui a voulu fourvoyer la France dans cette direction,  voilà que ressurgit la bête hideuse qui stigmatise les uns, monte les populations les unes contre les autres et appelle au nom de la « civilisation » à exporter « nos valeurs ».

Quelle tristesse que pour justifier un traité indéfendable certains à gauche en soient réduits à basculer de fait dans l’autre camp. La période est décidément au gros vent quand se perdent à ce point les repères. Tenir bon sur l’humanisme radical et universaliste est bien plus que jamais une impérieuse nécessité.

François COCQ (03/10/2012)http://cocq.wordpress.com/

● Notre opposition au traité. Le souverainisme est-il la bonne voie ?

L’opposition au traité budgétaire est motivée par deux types de considérations, indépendantes l’une de l’autre. La confusion entre les deux arguments n’est pas une bonne chose pour la gauche.

Le premier est une critique des conceptions économiques monétaristes qui informent le document, et qui se combinent harmonieusement, depuis 30 ans, avec les politiques néo-libérales. L’idée que les déficits publics sont inacceptables parce qu’ils créent de l’inflation et amènent à terme à une expansion de l’Etat appartient au credo de Milton Friedman et Friedrich Hayek, les gourous du monétarisme. Elle s’est imposée en Grande-Bretagne à partir du milieu des années 70, puis dans les discours publics américains (même si les USA de Reagan se sont gardés d’appliquer eux-mêmes la politique qu’ils imposaient au reste du monde, et ont creusé un déficit abyssal). La France de Mitterrand, après une brève tentative de relance keynésienne, a fait sienne la rigueur à partir de 1983, au nom des mêmes principes.

Le traité de Maastricht a intégré la règle voulant limiter le déficit public à 3% du PIB, disposition qui n’a d’ailleurs pas été respectée. Le nouveau traité budgétaire veut inscrire dans le marbre des dispositions du même type, interdisant les déficits, pour des raisons curieuses. Une coalition s’est constituée, en Europe, entre les gouvernants allemands, obnubilés par la lutte contre l’inflation depuis les années 1920, les représentants des possédants européens qui considèrent que la lutte contre l’inflation est beaucoup plus importante que la lutte contre le chômage, les idéologues néo libéraux, et les socio démocrates qui, en l’absence d’une identité politique et d’une volonté de transformation sociale fortes, veulent surtout éviter d’être sanctionnés par les marchés ou critiqués par les experts.

Nous nous trouvons devant un paradoxe intéressant : les démocrates américains partisans d’Obama, et du chef de file des économistes progressistes, Paul Krugman, défendent des politiques beaucoup plus à gauche que les socialistes européens, fondées sur la relance et la lutte pour l’emploi.

Les politiques des gouvernements européens sont celles de l’Union Européenne, qui n’est que la résultante des divers courants majoritaires en Europe. L’UE n’est nullement l’inspiratrice de ces politiques réactionnaires qui répandent le chômage, la précarité et la misère sur le continent, de Derry à Héraklion. Aussi, l’argument selon lequel le traité entraînerait une « perte de souveraineté » n’est-il pas le bon.

Ce sont nos gouvernements légitimes, démocratiquement élus – hélas- qui imposent ces politiques désastreuses, pas des comploteurs bruxellois avides de pouvoir. Les gouvernants sont prompts à se réfugier derrière Bruxelles quand il s’agit d’appliquer une mesure impopulaire – voulue par eux. Les technocrates de Bruxelles sont simplement aussi réactionnaires que ceux de Paris et de Berlin, mais pas plus : ce sont les mêmes, leur culture professionnelle et politique est la même.

Si les gouvernements européens décident un jour de changer de politique, ce à quoi nous avons le devoir de travailler, une coordination des politiques européennes sera indispensable, dans des domaines comme la fiscalité, la planification écologique, l’alignement du droit du travail. Une mise en commun des souverainetés sera alors tout à fait bienvenue. Le poison du nationalisme se répand par toutes les failles. Il ne débouche que sur la fermeture, et l’impuissance. Si nous voulons sérieusement défendre l’Euro, qui est pour l’Europe un indéniable instrument de puissance et de stabilité, il faut défendre l’idée d’une coordination des politiques de relance et des politiques sociales.

Aussi devons-nous  lutter contre ce traité parce que son contenu est mauvais. Le condamner au nom de la souveraineté française, c’est tomber dans le piège. Ce traité,  ce sont les experts de Sarkozy et de Hollande qui le veulent.

Jean-Paul REVAUGER (03/10/2012)

● Ils ont voté l’austérité et souillé la souveraineté du peuple

Mardi 9 octobre, le gouvernement a dû recourir aux voix de la droite pour faire adopter par l’Assemblée nationale le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans l’Union Européenne. La majorité absolue à l’assemblée (289 voix) n’a en effet pas été atteinte par les seuls votes des socialistes, des radicaux de gauche et des quelques député-e-s d’Europe Ecologie-Les Verts (282 voix) qui se sont prêtés à ce coup de force contre le peuple.

C’est peu de dire que les députés socialistes et radicaux de gauche val-de-marnais se sont tristement illustrés. Pas une voix n’a manqué pour voter le traité aux côtés de leurs collègues de l’UMP. Cathala, Rouquet, Bridey, Le Bouillonnec, Schwarzenberg ont rejoint Herbillon, Plagnol, Benisti et Carrez dans cette forfaiture.

Le lendemain, si les thuriféraires de l’austérité ont confirmé leur vote de la veille en approuvant cette fois la loi organique, Laurence Abeille, député d’Europe Ecologie-Les verts (EE-LV) s’est quant à elle perdue dans les méandres de la politique politicienne préférant se coucher devant les menaces de Jean-Marc Ayrault et s’abstenir plutôt que faire preuve de cohérence et de détermination face aux puissances de l’argent.

La cohérence, la détermination et la résistance, c’est l’apanage du Front de gauche et de ceux qui ont par leur vote dessiné le contour de la future majorité de gauche qui refuse l’austérité.

Le vote au Sénat aujourd’hui vient de le prouver. D’un côté, il y eut l’opposition ferme au traité apportée par Christian Favier et Laurence Cohen, sénateurs du Front de Gauche, mais aussi par Esther Benbassa, sénatrice d’EE-LV. Dans le même temps, Luc Carvounas, 1er secrétaire du PS val-de-marnais, se trouvait être le seul sénateur du département élu sur une liste de gauche à voter avec les élus de droite Catherine Procacia et Christian Cambon. La majorité à gauche n’est décidément pas où l’on croit…

Le traité adopté, la lutte contre l’austérité continue. Les orientations contenues dans ce traité vont s’appliquer immédiatement pour faire du budget 2013 celui de l’austérité généralisée. Il n’y aura dès lors pas d’autre issue que de refuser ce budget.

François COCQ  (09/10/2012)  – http://cocq.wordpress.com/

● Un vote en trompe-l’oeil

Ainsi titre l’Huma pour commenter le vote sur le traité. Sur les 577 députés, 568 ont participé au vote, 477 ont voté pour et 70 contre. 21 se sont abstenus. Le vote révèle le formidable décalage entre l’expression de la représentation parlementaire et celle d’un peuple privé de référendum. Il traduit néanmoins, dans un contexte de police des votes, mise en place par le premier ministre – avec son appel téléphonique auprès des parlementaires socialistes récalcitrants – , « une force inattendue » de l’opposition à l’adoption du traité.

Autre surprise de taille, celle du « vote contre » du député des Landes Henri Emmanuelli, qui fait foin des consignes de son proche ministre des relations avec le parlement, Alain Vidalies, lequel s’est montré sans doute plus convainquant envers sa suppléante qui siège aujourd’hui sur les bancs de l’Assemblée nationale.

On pourra toujours se gausser de l’attitude de l’ancien président de l’Assemblée nationale qui n’a sans doute pas manqué d’entourer son vote de précautions comptables préalables en regard de la physionomie d’ensemble du scrutin. Elle n’en demeure pas moins un signe fort de défiance envers ce piteux traité d’inspiration profondément libérale.

Et l’on s’étonnera toujours des dynamiques singulières qui expriment ici un détachement durable du mirage européiste et là des virevoltes de ces parlementaires et ministres, jadis aux avant-postes du combat contre le projet de TCE puis du traité de Lisbonne et du « pacte Merkozy » devenu TSCG, et hier aux abois face au prétendu risque de délégitimation du président s’il ne faisait pas le plein des voix de sa majorité parlementaire!

Le contexte expliquerait ainsi ce changement de donne et d’attitude à l’égard d’un texte conforme en tous points, dans la lettre et dans l’esprit, à sa création originale dans sa volonté d’encadrer les politiques des Etats de l’Union jusqu’à les priver de leur pleine souveraineté budgétaire.

C’est bien là le reproche majeur que l’on peut faire à nos parlementaires de gauche qui n’ont pas entendu les messages de leur entourage, privilégiant un vote de conjoncture à une posture de constance sur le fond d’un débat qui trouvera ses prolongements concrets dans les prochaines bourrasques de l’euro… Les politiques de récession inscrites dans le marbre d’un chiffon de papier ne manqueront pas, en effet, de rencontrer, dès demain, l’hostilité croissante des peuples en butte aux politiques d’austérité.

C’est pour cela qu’avec nos amis du MRC dont on  salue le courage et la constance, de l’Agaureps-Prométhée ou de Gauche Avenir, un peu en sommeil aujourd’hui, nous ne cesserons d’œuvrer en toute citoyenneté pour la promotion d’une République sociale en combattant l’hégémonie néolibérale sur le plan des idées et de la politique concrète. En restant attentif à toutes les initiatives, jusqu’à celles d’un Front de gauche à la base, mais sans succomber au piège du sectarisme quand le pays a profondément besoin de l’unité populaire pour oser et réussir une politique de gauche à même d’être force de contagion en Europe…

A l’opposé de ces politiques en trompe-l’oeil !

Xavier DUMOULIN (10/10/2012)