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LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 167 JANVIER / FéVRIER 2024

Sommaire du numéro 167 : Spécial « Hégémonie culturelle »

  • Edito de Thierry DONGUAT « Tous les chemins de la lutte mènent à Gramsci » page 2
  • Hégémonie culturelle sur le thème « Droite et Extrême droite » : « Bête immonde – Blocage démocratique – Tectonique des plaques »page 3
  • Hégémonie culturelle sur le thème « Laïcité » : « Laïcité chérie, que de vilenies en ton nom ! »page 10
  • Hégémonie culturelle sur le thème « Histoire » : « Les nouveaux contre-révolutionnaires de l’arc républicain »page 13
  • Fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2024 page 16

Edito:

Tous les chemins de la lutte mènent à Gramsci

Cette nouvelle année 2024 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Le climat politique est en effet vraiment préoccupant. Des dégradations se font ressentir de manière récurrente et systémique, et ce depuis plusieurs années. Il en résulte un parfum d’ambiance qui sent très mauvais. Certains en viennent à conclure que l’hégémonie culturelle serait en passe d’être gagnée par le camp honni d’en face.

C’est pourtant un camp qui n’en menait pas large au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec entre autre l’adoption du programme du Conseil National de la Résistance. Un camp qui, il faut le répéter, sortait profondément discrédité du conflit. D’abord pour avoir crû aux potions libérales « déflationnistes », pour reprendre la terminologie de l’époque, et en conséquence en avoir très largement abusé pour faire face à la grave crise économique des années 1930 ; ensuite d’avoir trop souvent trempé dans la collaboration avec l’occupant nazi, conformément au mot d’ordre maintes fois répété par les possédants, « plutôt Monsieur Hitler que le Front Populaire ».

Depuis, le rapport s’est hélas notoirement modifié. Sous l’effet d’abord de l’offensive néolibérale enclenchée au tournant des années 1970 et 1980 par Margaret Thatcher et Ronald Reagan, favorisant l’irruption de ce que l’on ne nommait pas encore la mondialisation. Puis ces dernières années par le biais d’un raidissement autoritaire des partisans inconditionnels de la loi du marché, avec la promotion de l’austérité et la redécouverte de l’ordo-libéralisme. Ces ruptures, communément appelées contre-révolutions, qu’elles soient conservatrices ou néolibérales, ont en définitive ouvert la voie à l’acceptation des différentes composantes de la galaxie de l’extrême droite. Car une indiscutable filiation existe entre les deux mouvements, en vertu du théorème von Papen, du nom de l’ancien chancelier allemand qui favorisa la nomination à ce poste en janvier1933 d’Adolf Hitler.

Dans ses écrits passés à la postérité, Antonio Gramsci alertait sur la nécessité de conquérir l’hégémonie culturelle, en préalable à tout succès politique et électoral. Cela suppose un travail de fond méthodique. Ce fut une des raisons d’être que revendiqua l’AGAUREPS-Prométhée au moment de sa création, il y a plus de vingt ans, en 2002. Elle en fit une de ses boussoles. Elle s’y est tenue scrupuleusement. Cette première Lettre de la nouvelle année 2024 en offre une illustration constamment renouvelée. La question de l’hégémonie culturelle, à approfondir ou à reconquérir, est particulièrement sensible pour constituer une urgence.

Son contenu, composé de plusieurs tribunes embrassant différents domaines, montre que tous les chemins du combat politique mènent à la tâche assignée par Antonio Gramsci. Ou du moins qu’il oblige à y revenir régulièrement et inlassablement, avec une détermination sans faille.

Thierry DONGUAT 04 / 01 / 2024

Hégémonie culturelle : Droite et extrême droite 

Tribune 1 :

La pourtant tellement résistible ascension de la bête immonde

Tribune parue sur le site de Mediapart le 07 décembre 2023.

Francis DASPE est auteur de deux ouvrages sur le sujet, « La révolution citoyenne au cœur » (Eric Jamet éditeur, 2017) et « 2022. Pour renverser la Table à la présidentielle » (Eric Jamet éditeur, 2020).

Il est aussi secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée et impliqué dans La France Insoumise.

Une (mauvaise) musique de fond, autant lancinante que sordide, résonne insidieusement à nos oreilles. Elle voudrait nous persuader que le combat contre la « bête immonde » serait perdu. La voie du triomphe semblerait lui être ouverte. Nous serions en conséquence conviés à nous résigner, puisque tout convergerait vers cet inéluctable destin imposé qui nous est promis à grand renfort de gesticulations. En effet, la pensée dominante ne lésine pas sur les moyens : des sondages plus ou moins frelatés, des médias plus ou moins complaisants, des succès électoraux plus ou moins réels. L’incitation et l’invitation à capituler se font de plus en plus impératives.

La situation peut nous faire penser à l’ouvrage de Bertolt Brecht « La Résistible ascension d’Arturo Ui ». Déjà en son temps, cette histoire de gangster de Chicago, écrite en 1941, pendant l’exil de l’auteur allemand en Finlande, pouvait être interprétée comme une parabole du nazisme et de la toute aussi résistible arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler. Elle ne prend que davantage d’acuité au regard de l’actualité.

Plus que jamais, nous sommes amenés à nous demander en quoi consiste la « bête immonde ». Il s’agit d’abord d’un parfum d’ambiance particulièrement nauséabond et nauséeux. Elle est ensuite le produit de la conjonction d’une extrême droite dédiabolisée et d’une droite décomplexée. Il en résulte une grande porosité des frontières entre les deux : une droite devenue droite extrême et une extrême droite maintenue quoique relookée autant par elle-même que par d’autres. De la sorte, se raffermissent les envies d’un rapprochement rebaptisé union de l’ensemble des familles de droite. Une sorte de pacte sacré des possédants. Ces confins autrefois nettement délimités par des garde-fous, fermes en apparence seulement, prennent aujourd’hui la sinistre réalité d’une terra incognita pour les principes républicains qui y sont notoirement battus en brèche. Il ne s’agit plus d’un no man’s land : les groupes et les personnes s’y retrouvent à foison pour œuvrer à l’inquiétante besogne. Il n’est plus possible d’affecter de penser qu’il s’agisse d’un espace politique inoccupé, marginalisé ou en déshérence. 

Sans quoi l’actualité se chargerait de nous ramener à la dure réalité. En France, les faits se multiplient pour témoigner des dérives structurelles en cours. Inutile d’en énumérer les tristes et inquiétants épisodes, où les faits divers le disputent aux actes politiques peu reluisants mais ayant désormais « pignon sur rue ». C’est également le cas en Europe, avec l’omniprésence des formations d’extrême droite, sous des configurations certes variables mais bien réelles, entre contrôle du pouvoir en Hongrie ou en Italie, victoires électorales aux Pays-Bas, participation à des coalitions gouvernementales en Finlande, soutien à des gouvernements en Suède, en tête des intentions de vote pour les prochaines législatives en Belgique ou en Autriche, ou forces montantes en Espagne, Croatie ou Roumanie. Sans oublier la récente poussée xénophobe en Irlande qui nous a saisis d’effroi, tant ce pays semblait être à l’abri de ce genre de dérives. Comme dans la fable de La Fontaine, les animaux malades de la peste, si tous les pays n’y succombent pas, tous en sont désormais frappés.

Dans ces conditions, que faire pour éviter le retour de la bête immonde ? Contentons-nous de quelques pistes. En premier lieu, un sursaut à gauche s’impose. Il est nécessaire de tenir ferme sur les principes et les mots. Cette exigence engage le programme et la stratégie. Il devient vital de ne pas permettre à certains de flancher, qui peuvent finir de préférer Hitler plutôt que le Front Populaire, même sous des formes renouvelées présentées comme inoffensives sous le paravent d’un improbable arc républicain. Il n’y a hélas pas qu’à droite que l’on raisonne (ou déraisonne) de la sorte. Dans la région Occitanie, le nombre élevé de députés d’extrême droite élus en 2022 en témoigne pour partie, si besoin était. Car les « allergiques congénitaux compulsifs » à la NUPES y ont puissamment concouru.

Nous devons nous interroger sur la fonction de l’extrême droite au sein du système qu’elle affecte de combattre. Dans toutes ses dimensions, elle agit comme son assurance-vie. Elle garantit le maintien du capitalisme ; elle préserve les intérêts des oligarchies ; elle constitue un appoint fidèle aux coalitions politiques qui gouvernent, dans le seul but d’opposer un barrage à une majorité de transformation sociale. En attendant peut-être d’être considérée comme le plan B d’un système aux abois, dans la logique immuable du « tout saufs les rouges et les partageux ». La situation politique dégradée rendant possible ce scénario est bien identifiée : la déliquescence des fonctions régaliennes. Il convient alors de lutter résolument contre un tel péril. L’irruption, constatable en de maintes occasions, à visage découvert, de forces paramilitaires, ou à tout le moins en singeant la réalité, exige de hausser le niveau d’alarme. 

Il n’est pas inutile de rappeler que le parti nazi, à son apogée lors des élections législatives de juillet 1932, était loin de disposer de la majorité absolue. Il ne pouvait pas accéder au pouvoir en l’état. A l’occasion des nouvelles élections de novembre, il perdait en quatre mois environ deux millions de suffrages. Mais dans le cadre de la mécanique infernale du plan B d’un système menacé par la rupture populaire, Adolf Hitler accédait alors à la chancellerie : son échec relatif lui donnait sans doute une plus grande respectabilité à accéder à la chancellerie aux yeux du cartel des possédants qui pensait pouvoir mieux le contrôler. La prise du pouvoir par Hitler était réellement « résistible ». Car l’extrême droite reste confrontée à un obstacle de taille afin de parvenir à cet objectif, celui de la coalition gouvernementale à construire. La pourtant réelle victoire de Geert Wilders aux Pays-Bas est loin de lui assurer la constitution d’un gouvernement qu’il dirigerait. On connaissait les rigueurs d’un plafond de verre bridant ses velléités de victoire. Il faut y ajouter en sus l’existence de « murs de verre », limitant ses chances de constituer autour d’elle une coalition en vue de gouverner. Enserrée entre un plafond et des murs, l’extrême droite reste encore assez largement dans une « cage de verre ». Les efforts pour l’en extraire existent malheureusement, entre dédiabolisation, banalisation, intégration dans d’improbables arcs prétendument républicains, invitations à marcher contre ce qui l’a toujours fondée et encore aujourd’hui en dépit de dénégations dérisoires.

C’est pour cela que nous faisons nôtre la formule finale de Bertolt Brecht qui indiquait que « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Quand bien même il suffirait de bien peu de choses pour l’empêcher d’advenir à nouveau. Une éventuelle nouvelle ascension est en définitive tellement résistible ! Mais peut-être est-ce demander trop à certains de faire pourtant si peu pour faire rempart à la bête immonde ?

Francis DASPE

Tribune 2 :

La progression des extrêmes droites se nourrit d’un blocage démocratique en Europe

Tribune parue sur le site de Marianne le 29 novembre 2023.

François COCQ est essayiste et membre du collectif « Les Constituants ». Il est aussi président de l’AGAUREPS-Prométhée.

Le PVV (Parti pour la liberté) de Geert Wilders est donc arrivé en tête du scrutin législatif qui s’est tenu mercredi 22 novembre aux Pays-Bas, avec pas moins de 8 points d’avance sur ses poursuivants. Depuis, la litanie des analyses s’inquiète à moindres frais de la poussée de l’extrême droite en Europe, présentant celle-ci comme un phénomène endogène à nos sociétés.

Rien de mieux donc pour exonérer le reste de la sphère politique de ses responsabilités dans l’enracinement et la progression des droites radicales, voire pour présenter les autres forces politiques comme des victimes des choix citoyens. Une telle cécité est démocratiquement criminelle.

Un blocage démocratique

Bien sûr, l’extrême droite avance dans la plupart des pays de l’Union européenne. Avant son succès électoral au Pays-Bas, le SNS (Parti national slovaque) avait quelques semaines auparavant fait son entrée dans la coalition gouvernementale sortie des urnes en Slovaquie. En Finlande, le Parti des Finlandais participe au gouvernement depuis avril dernier. Les Démocrates de Suède occupent quant à eux 73 des 300 sièges de la Chambre depuis septembre 2022 et ont apporté un soutien sans participation à la formation du gouvernement.

Au même moment en Italie, Frères d’Italie, la Ligue et Forza Italia se retrouvaient pour former le gouvernement Meloni. Sans compter la dynamique supposée du Rassemblement national (RN) en France selon les sondages, ou encore la percée jusque dans les Länder de Hesse et de Bavière de l’AfD en Allemagne. Après chacune de ces élections, c’est alors la même complainte tant chez les commentateurs qu’au sein d’une gauche bien-pensante : l’extrême droite progresse parce que nos sociétés seraient intrinsèquement plus polarisées et plus radicalisées, le champ du politique restant extérieur à une telle mutation.

C’est oublier – volontairement – que la progression des extrêmes droites se nourrit d’un blocage démocratique à l’échelle du continent. L’effondrement du bipartisme au tournant de la décennie 2010 a laissé place aux grandes coalitions « gauche-droite » (Groko) pour permettre à ceux qui, jusqu’alors, se succédaient au pouvoir, de se le partager pour s’y maintenir : 14 des 28 pays de l’UE étaient ainsi sous le régime de grande coalition en 2014. Mais très vite, dans la deuxième partie de la décennie, la poursuite du mouvement destituant a fait voler en éclat cet artifice de système. Les citoyens ont bloqué en conscience le jeu électoral. Aucune majorité ne se dégageait plus alors des urnes (16 des 28 pays de l’UE en 2018), même malgré des retours répétés devant les électeurs (Italie, Espagne, Bulgarie…).

Les délais pour former des gouvernements se sont allongés (271 jours aux Pays-Bas en 2021, 464 en Belgique en 2020…) et les sangsues du pouvoir ont accepté le principe de la démocratie minoritaire pour garder leur rang. Soit en gouvernant de manière minoritaire (Belgique en 2020, Suède jusqu’en 2022, Espagne jusqu’en 2023, France depuis 2022…), soit par le biais de coalitions hétéroclites dites « grand chapiteau » ou technocratiques (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Espagne, Irlande, Bulgarie, Pays-Bas…). Bien qu’exprimée, l’aspiration destituante des peuples ne peut être purgée de la sorte. Ainsi, l’extrême droite prospère sur un rejet par les citoyens de l’offre politique existante.

« Stratégie du socle »

Pire, l’acceptation de la démocratie minoritaire dans son principe conduit les forces électorales à adopter « la stratégie du socle » : faute de perspective majoritaire, elles se concentrent sur leur socle électoral pour sortir en tête du scrutin. L’objectif n’est plus de rassembler mais de se compter et, pour ce faire, de cliver. La polarité n’est désormais plus tant celle qui existerait sui generis au sein des sociétés que celle qui y est importée par un champ politique où les partis privilégient le communautarisme électoraliste en ne s’adressant qu’à des franges bien circonscrites du corps électoral.

Un tel enfermement dans cette stratégie était jusqu’à présent l’assurance-vie des partis dans une position centrale (tel Emmanuel Macron en France qui l’a adoptée comme stratégie unique depuis 2017) qui bénéficient ensuite des lois de la gravitation politique pour attirer à eux les corps plus faibles qui l’entourent. Il est par contre plus surprenant (sauf à ce qu’ils ne se contentent de ne faire que de la « boutique ») que des forces de périphérie comme La France insoumise (LFI) adoptent cette même stratégie du socle, se résolvant alors à la démocratie minoritaire alors même qu’ils ne peuvent en tirer bénéfice. Face à ceux-là, le Rassemblement national, qui dispose, lui, d’un socle originel, se garde bien d’être dans ce mouvement centripète et prend même le contrepied en cherchant à élargir son assise.

L’autre raison de la poussée des extrêmes droites tient pareillement à un problème d’offre politique. Nul ne peut aujourd’hui prétendre répondre aux aspirations des citoyens s’il pratique l’eurobéatitude ou s’il maintient artificiellement des angles morts de la pensée sur des sujets comme l’immigration ou l’insécurité. Dans le premier cas, on n’oubliera pas qu’aux Pays-Bas, les sociaux-démocrates avaient rapatrié pour cette élection le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Dans le second, la gauche moraline préfère la rente électorale garantie par ses totems sur le sujet plutôt que de chercher à y répondre. Sera foudroyé sur-le-champ celui qui cherchera à s’y confronter, comme l’a été Arnaud Montebourg lors de son éphémère campagne de 2022.

Faillite démocratique

À l’inverse, dans d’autres pays, certains ont pris acte du hiatus entre les électeurs et ceux qui prétendent les représenter. Ainsi Sahra Wagenknecht en Allemagne qui, ayant fraîchement rompu avec Die Linke, est créditée de 14 % des intentions de vote. Ou comme le KKE en pleine émergence en Grèce (donné à 12 %) qui fait désormais jeu égal avec Syriza. Leur positionnement résolument antilibéral et prônant la répartition des richesses sur un plan économique et social assume d’être beaucoup plus protecteur sur les questions régaliennes et de souveraineté. Ce qui offre de la sorte à la fois une échappatoire à un électorat tiraillé entre deux aspirations que les partis en place présentent comme incompatibles, mais aussi une perspective pour reprendre à l’extrême droite un champ qui lui avait été abandonné.

De fait, ce n’est pas tant chez leurs anciens partenaires que mordent ces partis que chez un électorat trop longtemps laissé orphelin. Moins qu’un mouvement inéluctable de l’histoire, la poussée des extrêmes droites est avant tout la résultante de la faillite démocratique d’une offre politique qui a rompu avec les aspirations populaires.

François COCQ

Tribune 3 :

La tectonique des plaques des droites, ou la dérive des principes

Tribune parue sur le site de La Tribune du Dimanche le 03 / 01 / 2024

Le vote de la loi « Asile et immigration » portée par le ministre Darmanin constitue un (nouveau) franchissement de seuil. A droite, et même au-delà, la tectonique des plaques a bougé de manière sensible. La dérive des continents de la galaxie droite et extrême droite a provoqué des rapprochements, davantage prévisibles qu’inédits, sans qu’il soit toujours aisé de distinguer dans quelles proportions il en résultera porosité ou heurts.

On savait déjà à quel point Emmanuel Macron avait été en 2017 le plan B de l’oligarchie. Aujourd’hui, dans la grande famille des possédants unie par une solidarité de classe, il devient délicat de savoir qui est le plan B de qui. En réalité, on observe une prolifération de plans B réciproques, au sein d’un entre soi cimenté par de multiples connivences, quand il ne s’agit pas de consanguinité en bonne et due forme.

L’extrême droite devient de manière récurrente le plan B des possédants. Ceci n’est guère surprenant, s’inscrivant dans la veine accordant une préférence assumée à Hitler plutôt qu’au Front populaire. En retour, Macron et Les Républicains servent plus que jamais de levier à l’extrême droite pour la réalisation de son entreprise de dédiabolisation et de banalisation ; cette dernière reçoit désormais les sésames requis pour intégrer le prétendu arc républicain et participer au bal. Les Républicains servent de béquille au Président Macron afin d’acter définitivement et irrémédiablement le fait que la macronie soit de droite et de droite, nouvelle version actualisée de la fiction du « et en même temps ». L’absence de majorité parlementaire des macronistes permet à la droite classique du groupe Les Républicains de se donner l’impression qu’elle compte encore en dépit de sa désagrégation avancée. Peut-être la Macronie, pour pallier son insuffisance avérée de talents, aspire à transformer Les Républicains en un éventuel vivier de dirigeants potentiels dans lequel puiser, au gré des ambitions et des débauchages, comme l’illustrent les exemples des Le Maire, Darmanin, Philippe ou Castex.

Dans ce panorama il convient de s’attarder sur le rôle singulier, et paradoxal, tenu par Eric Zemmour. Décomplexé et peu préoccupé par l’impératif de dédiabolisation, il s’engage pleinement dans la bataille idéologique pour en repousser autant que faire se peut les limites, ou les dérives, c’est selon les points de vue. Mais parallèlement, il appelle à une union des différentes familles historiques de droite, sur des bases communes à la droite extrême et à l’extrême droite. Dans cette optique, dénonçons d’emblée l’enfumage que constitue la tentation évoquée par certains d’un partage des tâches (ou d’une synthèse) entre les questions régaliennes, attribuées à une droite plus dure, et les questions économiques et sociales, réservées à une droite plus libérale. Chacune des composantes de ce vaste espace de conservateurs et de réactionnaires possède en elle ces deux dimensions. Seules la priorité et la proportion peuvent varier. C’est en cela que consiste sans nul doute la « synthèse bollorienne » dans son accomplissement le plus parfait.

La porosité des idées et des principes est indiscutable. C’est inquiétant, car cela équivaut à l’acceptation de thèses nauséabondes et nauséeuses. Elles finissent par accoucher de la bête immonde. Car la porosité n’empêche pas le surgissement de catastrophes sismiques de grande ampleur.

Il y aura nécessairement des heurts. Car par delà les intérêts de classe communs, les ambitions et les esprits de chapelle s’entrechoquent en fin de compte plus ou moins violemment. Il n’y a qu’à observer comment certaines oppositions de façade, effectivement très largement factices, sont surjouées. Ce fut le cas au moment de la loi sur les retraites, c’est le cas pour celle sur l’immigration. Ces oppositions surjouées se traduisent par des surenchères consternantes. Parfois, comme dans un jeu de rôle bien huilé, elles aboutissent à des aggravations mortifères. Et l’hypothèse que cela puisse déclencher là aussi le triomphe de la bête immonde n’est hélas pas à écarter d’un revers de main.

Les franchissements de seuil sont à prendre avec le plus grand sérieux, surtout quand ils mettent en jeu de manière coordonnée les principes idéologiques et les actes politiques. Ils ouvrent la voie à la possibilité des catastrophes les plus sordides. Indéniablement, c’est de cela dont il s’agit aujourd’hui. Le très mauvais parfum d’ambiance doit nous alarmer afin de réagir en conséquence, pour rendre possible une alternative populaire progressiste plus jamais indispensable.

Francis DASPE 

Hégémonie culturelle : Laïcité

Tribune 4 :

Laïcité chérie, que de vilenies en ton nom !

Tribune parue sur le site de Marianne le 19 décembre 2023 sous le titre « Préserver la laïcité équivaut à garantir la souveraineté populaire ».

La laïcité n’a pas été consensuelle. Elle a mis du temps à surmonter force obstacles et, de ce fait, à s’imposer durablement. Très longtemps, ceux qui n’en voulaient pas ne pouvaient concevoir de société stable sans une imprégnation profonde de la religion et une acceptation plus ou moins tacite d’un contrôle social dévolu à l’Eglise. Dans un même élan, et en parfaite cohérence, ils récusaient fermement toute forme républicaine au régime politique dans lequel ils entendaient vivre.

Aujourd’hui, les héritiers de ces courants politiques réactionnaires ou conservateurs, termes initialement distincts mais se recoupant de plus en plus, existent toujours. Mais ils en viennent désormais, ironie de l’histoire, à exciper sans discontinuer le mot laïcité dans l’espoir de trouver une solution magique à toutes leurs préoccupations, quand il ne s’agit pas d’obsessions peu avouables. Le mot, mais certainement pas la chose. Car c’est presque toujours dans une perspective effectivement réactionnaire et conservatrice que la laïcité est conviée à leur secours.

C’est ainsi que l’actualité regorge d’exemples de la sorte. Il ne s’agira pas d’en établir un inventaire, car le récent triste épisode élyséen n’en représente hélas que la face émergée de l’iceberg. Il convient davantage de prendre un peu de hauteur de point de vue, afin d’accéder aux principes dont le respect équivaudrait à un antidote à toutes ces dérives.

Il est en effet impossible de contester que la laïcité soit depuis trop longtemps bousculée, contournée, dénaturée, instrumentalisée, battue en brèche et même humiliée. En ton nom, que de confusions, de contresens, d’offenses on commet ! Et ceci tout en affectant de te chérir ! Il y eut un temps où les adjectifs accolés à profusion au mot laïcité servaient à la déqualifier ou même à la disqualifier de manière sournoise.

La laïcité est d’abord une exigence fondamentale. Elle n’est donc pas par conséquent une simple et vulgaire tolérance. Elle ne peut se confondre, par le travers d’une regrettable confusion, avec une quelconque forme d’œcuménisme. Elle ne peut pas, également ou symétriquement c’est selon, servir à une insidieuse volonté de procéder à une rechristianisation de la société, en s’inscrivant dans une logique de combat face à la concurrence d’autres confessions ou dans une simple perspective de préservation des acquis et des rentes accordés par l’Histoire. C’est que la laïcité ne peut être transformée en un principe asymétrique, prétexte commode pour justifier à bon compte ses phobies nauséabondes. Enfin, elle ne peut pas non plus être piétinée dans le seul objectif de valoriser ses intérêts bassement politiciens, rentiers ou clientélistes, autrement dit au prix de trahisons et de renoncements méprisables. Il est vrai que certains, issus du camp progressiste, s’accommodent sans barguigner avec l’attribution d’aides financières extra-légales à l’enseignement privé confessionnel, tout en prétendant tenir à la laïcité comme à la prunelle de ses yeux.

A ce compte, on s’aperçoit que la laïcité est finalement bien moins « consensuelle » que certains apôtres autoproclamés d’un tout aussi improbable arc républicain en cours d’ « épiphanie », renforcé par quelques élargissements pas très « catholiques » pour l’occasion, voudraient le faire croire. En théorie du moins, mais pas toujours en pratique. Une réflexion un peu plus approfondie en faisant retour aux principes permet de remettre de manière opportune en exergue l’exigence intrinsèque de la laïcité.

Car ses vertus sont considérables, garanties par le respect des principes la constituant. Au premier de ceux-ci, une distinction claire et rigoureuse des sphères publique et privée, resucée de la célèbre apostrophe de Victor Hugo plus que jamais d’actualité, prononcée le 14 janvier 1850 devant l’Assemblée nationale, « L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui ». C’est cela qui ouvre la voie à la réalisation concrète, ni plus ni moins, de la promesse républicaine en ce domaine : reconnaissance de la liberté de conscience et de culte, garantie de l’égalité en droits, condition de la fraternité en actes.

« Le cléricalisme, voilà l’ennemi », proclamait pour sa part Léon Gambetta devant la Chambre des députés le 4 mai 1877, au plus fort de la confrontation. Aujourd’hui, le péril endosse les habits de l’inquiétante reconfessionalisation de la sphère sociale et politique. De la sorte, prolifèrent des considérations politiques construites en fonction des canons de la religion. Des tentations, à ne pas minimiser, incitent à ce que des décisions politiques soient influencées par un substrat religieux, voire à en être clairement et étroitement compatibles. Les lignes rouges sont prêtes à être franchies. La foi ne peut en aucune manière faire la loi. C’est au contraire la loi qui protège la foi (ou son absence), pour peu que la foi ne se mêle pas de se substituer de manière inopportune au législateur.

La laïcité ne constitue pas un supplément d’âme à la République. Ses principes sont inscrits au cœur même de la devise républicaine. Ils en constituent le soubassement le plus solide. C’est en cela que la laïcité doit être comprise et reconnue, comme une exigence inébranlable. Ses racines sont lointaines. Une d’entre elles remonte aux réflexions fécondes de l’humaniste italien Jean Pic de la Mirandole, jetant à la face des forces obscurantistes de la fin du Moyen Age, dans son traité de 1486 intitulé « De la dignité de l’homme », qu’il n’y avait rien de plus admirable que l’Homme. La laïcité reprend à son compte ce manifeste, instituant que les femmes et les hommes constitués en peuple sont en capacité de se gouverner par eux-mêmes, en dehors des dogmes religieux et autres vérités révélées.

Préserver la laïcité équivaut à garantir la souveraineté populaire. En conséquence, nul ne peut s’improviser valablement défenseur exclusif d’un prétendu arc républicain. Surtout en le faisant par une appropriation indue de la laïcité à rebours de son histoire, ni par une récusation malvenue en contradiction flagrante avec cette même histoire politique. Laïcité chérie, que de vilenies en ton nom !

Francis DASPE 

Hégémonie culturelle : Histoire 

Tribune 5 :

Les nouveaux contre-révolutionnaires de l’arc républicain

Tribune parue sur le site de Politis le 29 novembre 2023

« Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt, Sur les ruines d’un champ de bataille, Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ? » Telle est l’interrogation fredonnée par Jean-Jacques Goldmann dans une chanson éponyme datant de 1990. Nous savons à quel point il faille se défier par-dessus tout de l’impasse de l’anachronisme et des reconstitutions historiques douteuses. Mais il existe parfois matière à s’interroger.

C’est le cas avec le culot monstre des membres autoproclamés de l’improbable arc républicain. Ils osent tout, y compris les comparaisons approximatives les plus frelatées. Savent-ils seulement d’où vient la République ? Quelle est son essence ? Il est permis d’en douter. Les symboles de la République témoignent sans ambiguïté des liens indéfectibles entre République et Révolution.

Ces drôles d’apôtres du prétendu arc républicain, si prompts à décerner à l’envi, qui plus est sur des critères pour le moins insondables, des brevets de républicanité ou de républicanisme, de quelle manière se seraient-ils positionnés face aux événements de l’année 1789 ? Sans doute à la droite du président de séance comme ceux qui étaient favorables au droit de veto du roi pour mieux étouffer l’expression des représentants du peuple et de la souveraineté populaire. Ils devinrent la droite, entre nuances de conservateurs et de réactionnaires : depuis, rien, ou presque, n’a changé.

Rejet de toutes les formes de contestation

Le Serment du Jeu de paume du 20 juin aurait été considéré sans nul doute comme une scandaleuse entreprise de « bordélisation » des États généraux, peut-être à l’égal d’un acte de subversion factieuse. Aujourd’hui, des députés qui bousculent le bel ordonnancement d’un jeu parlementaire compassé, ressemblant trop souvent à un théâtre d’ombres, sont accusés avec les mêmes mots. Par la transformation des États généraux en Assemblée nationale constituante qui s’ensuivit, c’est pourtant une étape décisive dans l’affirmation de l’existence d’une source de souveraineté autre que celle du roi, celle du peuple.

Le 14 juillet la prise de la Bastille, symbole de l’absolutisme avec ses lettres de cachet y envoyant des prisonniers de manière arbitraire, aurait été assimilée avec mépris à une effroyable émeute sanguinaire de la part d’une populace dangereuse. Au cours des dernières années, les différentes formes de contestations, des Gilets jaunes aux manifestations syndicales en passant par les moyens d’action des activistes écologistes, ont été traitées de manière récurrente de la sorte. L’événement est pourtant célébré chaque année par la République comme le jour de sa fête nationale.

La nuit du 4 août, qui se traduisit dans un même élan par l’abolition des privilèges, des trois ordres de la société et du régime seigneurial, serait reléguée à un vote démagogique sanctionnant le triomphe d’un affreux nivellement par le bas et d’un égalitarisme de bien mauvais aloi. Ou à une injustifiable spoliation de personnes apportant des bienfaits considérables à l’ensemble de la société. Il est vrai que faire la guerre ou prier pour le salut des âmes était bien plus utile que travailler quotidiennement dans les champs, ce qui conduisait les paysans à devoir rester pauvres, tout en payant de surcroit des impôts à tout le monde…Et que dire de la décision de procéder à la nationalisation des biens du clergé !

Persistance d’une morgue aristocratique

Aujourd’hui, ces mesures constituent le socle sur lesquels se fondent les principes républicains les plus élémentaires, transcrits quelques semaines plus tard dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août, véritable bloc de constitutionnalité. Pourtant, subsistent encore une même morgue aristocratique et une suffisance pathétique à croire qu’il n’existe pas d’alternative aux politiques menées et que rien ne peut, ou ne doit, changer.

Le cortège populaire, avec à sa tête des femmes, qui partit à Versailles pour finalement ramener le roi et sa famille à Paris, pourrait encourir les menaces de foudres de la justice, sous différents chefs d’accusation tels que violation du domicile du roi, séquestration, entrave à sa liberté d’aller et de venir, entorse inacceptable à sa liberté personnelle, menaces et intimidations inadmissibles, etc.

La tentation du monarque républicain de s’enfermer dans sa tour d’ivoire élyséenne relève d’une logique identique à celle des rois absolus se retranchant dans le château de Versailles pour mieux s’éloigner du peuple. Cet épisode est pourtant un jalon essentiel dans la démonstration que le pouvoir doit être, du moins en démocratie, au service de tous et sous le contrôle des citoyens.

Le visage remodelé des contre-révolutionnaires

L’année 1789 marque le début de la période historique que l’on nomme contemporaine. C’est-à-dire l’histoire de notre temps, celle qui pose les bases de notre République et de notre démocratie, si imparfaites soient-elles. Les concepteurs de cet arc républicain semblent être restés dans un autre monde, virtuel, celui qui n’aurait pas connu la Révolution française. Une Révolution qu’il est nécessaire de considérer comme un bloc, comme le disait fort justement Clémenceau en 1889 au moment des débats sur la célébration du centenaire, avant de dériver plus tard vers d’autres rivages éloignés en se targuant d’être devenu « le premier flic de France ».

La République sans l’esprit et l’héritage de la Révolution, ce n’est plus la République. C’est une tentative parmi d’autres de préserver une forme d’Ancien Régime, qui récuse en bloc, de manière plus ou moins assumée, les événements fondateurs de 1789 au même titre que les efforts actuels pour approfondir l’ambition républicaine démocratique.

L’arc républicain allégué par la macronie n’est en réalité que la coalition de circonstance des diverses nuances de conservateurs et de réactionnaires. Ce n’est rien moins que le visage, remodelé pour paraître plus présentable, des (nombreux) nouveaux contre-révolutionnaires. Qui n’agréée pas à la Révolution méconnaît en fin de compte l’exigence fondamentale de la République et ne peut s’en prévaloir.

Francis DASPE

ASSOCIATION POUR LA GAUCHE REPUBLICAINE ET SOCIALE– Prométhée

Chez Francis Daspe  19 avenue Carsalade du Pont, porte 2, 66100 PERPIGNAN

Site internet : www.agaureps.org

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LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 165 SEPTEMBRE / OCTOBRE 2023

Sommaire du numéro 165 : Combat idéologique, Hégémonie culturelle

  • Edito de Sylvie ERBANI « La contre-révolution est d’abord culturelle » page 2
  • Tribune de Francis DASPE « Le prétendu arc républicain, ou la Sainte-Alliance des Feuillants et des Thermidoriens » page 3
  • Texte de Francis DASPE « Le JDD se bollorise à la vitesse du son » page 6
  • Tribune de Francis DASPE « L’honneur perdu de Manuel Valls : une persévérance diabolique » page 11
  • Le vertige des chiffres… – Thierry DONGUAT page 13
  • Fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2023 page 15

Editorial: La contre-révolution est d’abord culturelle

Une des raisons d’être de l’AGAUREPS-Prométhée, créée il y a plus de 20 ans, résidait dans la nécessité de la conquête de l’hégémonie culturelle chère à Gramsci. Elle n’a pas depuis dérogé à cette tâche, poursuivant sans relâche le combat assigné. L’actualité ne cesse d’accorder, si besoin était, un crédit renouvelé à cette mission d’intérêt général faisant en réalité souvent office de préalable à d’éventuelles victoires politiques. La grande coalition des rétrogrades et des réactionnaires est incontestablement au travail, et ce de manière autant ardente qu’inquiétante.

Ce numéro de rentrée de la Lettre du mois de l’AGAUREPS-Prométhée s’inscrit dans cette nécessité d’offrir des ripostes à l’offensive en cours. Il est consacré au thème « Combat idéologique, Hégémonie culturelle ». Deux domaines sont en effet ciblés de manière prioritaire dans cette lutte au long cours : l’Histoire et les médias.

Il est vrai que l’Histoire se prête aisément aux diverses interprétations, manipulations et autres instrumentalisations. Et plus particulièrement la Révolution française, carrefour névralgiques des passions politiques. Dans cette optique, des mises au point s’avèrent bienvenues. C’est le cas de la tribune relative à l’improbable concept d’arc républicain de nature qu’on pourrait qualifier de révisionniste : il vise à en écarter les héritiers de ceux qui luttèrent avec conviction et obstination pour l’accomplissement de la République conforme aux principes édictés en réaction aux tenants de l’absolutisme de droit divin. Comme l’indique le titre de la tribune, ce prétendu arc républicain n’est en définitive qu’une resucée de la sainte-alliance des Feuillants et des Thermidoriens de nos jours. Il  s’agit en effet d’opérer un curieux renversement des perspectives : les opposants à la République d’alors se verraient intronisés par un tour de passe-passe les garants de la République d’aujourd’hui et de demain !

Les médias font également l’objet d’une attention préoccupante de la part des promoteurs de cette contre-révolution. Le terme de zemmourisation des esprits avait été utilisé auparavant ; celui de bollorisation correspond à la réalité du moment dans les médias. La situation du Journal du Dimanche l’a illustré cet été à la perfection. Un texte d’analyse du premier numéro de la nouvelle version du JDD est à cet égard fort instructif. Il met en exergue les fondamentaux et les fondements de cette bollorisation, synonyme d’extrême droitisation, sous l’égide du nouveau directeur Geoffroy Lejeune. On sait que cette dérive nauséabonde contamine au-delà de l’extrême droite. Manuel Valls l’avait déjà été largement dans l’exercice même du pouvoir, mais le deuxième numéro du JDD l’a bien confirmé, s’il y avait eu besoin, ce qui a donné lieu à une tribune sur la question en guise de rappel.

Toutes les contre-révolutions sont d’abord culturelles. Il convient d’y répondre avec fermeté sans concéder de terrain en la matière. L’AGAUREPS-Prométhée s’y attache avec la plus grande résolution qui soit. Ce numéro de rentrée en témoigne à nouveau.

Sylvie ERBANI 29 / 08 / 2023

Le prétendu arc républicain, ou la Sainte-Alliance des Feuillants et des Thermidorien

Tribune parue sur le site de Politis le 21 juillet 2023.

La macronie ne recule devant rien dans ses tentatives compulsives de diversion afin de tenter d’occulter sa grande impopularité. Avec ses séides, elle ne cesse de répéter sur tous les tons que la République est en danger. Sous-entendu qu’elle en constituerait le rempart le plus assuré : ne s’est-elle pas appelée La République En Marche ? Se sentant qualifiée pour jouer l’arbitre des élégances républicaines, elle n’hésite pas à formuler des verdicts péremptoires, et quelque peu « disruptifs » pour l’occasion. Si la République se trouve en danger, ce n’est pas en raison des menées de l’extrême droite, ni en raison de l’extrême droitisation croissante de la droite se nommant républicaine, même pas en raison de l’essor d’idées communément jugées jusqu’alors nauséabondes.

Non, rien de tout cela ne serait en cause. Le motif des craintes exprimées est d’une toute autre nature, et, visiblement, bien plus alarment. Le peuple conteste la politique du gouvernement ; des députés récalcitrants (on n’oserait pas dire insoumis, car ils ne sont pas les seuls, mais pas autant qu’on serait en droit de l’espérer) relaient les revendications de leurs concitoyens. En conséquence La France Insoumise est exclue de l’arc républicain. Toujours la même antienne conduisant à préférer Hitler au Front Populaire. Il faut rappeler que l’opération a déjà eu sa transcription électorale à l’occasion du deuxième tour de l’élection législative partielle en Ariège, intégrant même sans la moindre vergogne dans le front républicain ainsi constitué, pour faire barrage à la députée insoumise sortante, le Rassemblement National. 

En quoi consiste ce prétendu arc républicain, ainsi défini,  convoqué par une macronie à la dérive ? Il relève d’abord d’un processus, éminemment classique, de dé-légitimation de celles et ceux qui ont l’outrecuidance de penser différemment.  Le carburant en est l’éternelle crainte des possédants devant les revendications populaires considérées comme des tumultes mortifères démagogiques. Sans aucun doute, nous avons à faire avec le phénomène de résurgence à intervalles réguliers de la peur irrationnelle du peuple exprimée par des nantis en panique devant ce qu’ils ressentent comme une audace révolutionnaire populaire insupportable, les classes laborieuses étant toujours assimilées à des classes dangereuses.

La traduction politique puise en effet à des sources historiques de la période révolutionnaire qu’il convient de mettre en exergue. On assiste en réalité à une coalition des Feuillants et des Thermidoriens des temps modernes. Ils constituent une forme renouvelée de Sainte-Alliance. Il s’agissait de l’accord entre les principales puissances monarchistes, victorieuses de la France napoléonienne, qui contractèrent à l’occasion du congrès de Vienne de 1815 une alliance visant à éradiquer toute idée révolutionnaire, et plus encore toute révolution. La réaction devait reconfigurer l’Europe pour faire passer les peuples nouvellement épris de souveraineté  sous les fourches caudines des principes d’Ancien Régime.

Les Feuillants furent un groupe de députés favorables à la préservation du pouvoir du roi dans le cadre de la monarchie constitutionnelle. A la suite d’une scission du club des Jacobins, ils se constituèrent véritablement en force politique organisée en 1791, notamment avec l’échec de la fuite du roi Louis XVI à Varennes. Ils validèrent la répression de la manifestation populaire du Champ de Mars du 17 juillet qui réclamait la déchéance du roi. Les Feuillants étaient effrayés à l’idée que le peuple puisse exercer une quelconque forme de souveraineté. L’éventualité de la proclamation de la République les révulsait ; la possibilité d’une réduction des droits du roi, ce qui aurait signifié que la monarchie constitutionnelle aurait été davantage constitutionnelle que monarchie, les indisposait au plus haut degré. Les principales personnalités des Feuillants furent le triumvirat Barnave – Duport – de Lameth, ainsi que La Fayette, chef de la Garde nationale, qui donna l’ordre de tirer sur la foule au Champ de Mars. On peut y ajouter Le Chapelier qui donna son nom à la loi interdisant aux ouvriers le droit de coalition, les laissant démunis face aux patrons lors de la révolution industrielle du XIX° siècle. Cela indique clairement la coloration sociale et politique des Feuillants : le mouvement ouvrier socialiste s’échina à redonner une dimension collective à la relation de travail en détricotant, de manière à la fois méthodique et patiente, la loi Le Chapelier. Le « feuillantisme » fut très rapidement balayé par l’irrésistible aspiration populaire à la République qui se concrétisa l’année suivante.

Les Thermidoriens étaient les députés de la Convention qui firent cause commune pour renverser Robespierre et la forme montagnarde de la République, les 27 et 28 juillet 1794 (les 9 et 10 thermidor de l’An II selon le calendrier révolutionnaire). S’ils proviennent d’horizons divers (analogie possible avec la macronie), ils se fédèrent cependant rapidement dans le rejet viscéralement partagé de la dimension populaire de la République montagnarde s’appuyant sur l’implication des clubs et des sans-culottes (autre analogie évidente avec la macronie). Dans ces conditions, la réaction peut s’exprimer sans retenue, symbolisée par les personnages caricaturaux de la jeunesse dorée des Incroyables, Merveilleuses et autres Muscadins. Une Terreur blanche se met en place, faisant la chasse aux Jacobins, réprimant le peuple quand il porte ses revendications. C’est le cas de la répression de l’insurrection des sans-culottes parisiens des 1° et 2  prairial (20 et 21 mai 1795) : le soulèvement populaire est brisé par l’armée, les derniers députés montagnards survivants, appelés les crêtois, sont exécutés. Il en allait de même avec les Muscadins se livrant à des exactions contre les opposants, armés d’un gourdin qu’ils nommaient « pouvoir exécutif ». Là aussi un parallèle peut-il être effectué, dans un champ certes différent, avec l’utilisation à répétition par l’actuel pouvoir exécutif de l’article 49.3… Boissy d’Anglas, défendant la nouvelle constitution pour dans un même élan récuser le suffrage universel et justifier un suffrage censitaire drastique, ne reprenait-il pas à la tribune de la Convention thermidorienne l’esprit des propos du député Girondin Brissot quasiment trois ans plus tôt : « Le peuple est fait pour servir la Révolution, mais quand elle est faite, il doit rester chez lui et laisser à ceux qui ont plus d’esprit que lui la peine de le diriger ». La macronie n’en pense à vrai dire pas réellement moins, adaptant sa ligne de conduite au temps présent. Une fois que l’élection est faite, qu’importent les conditions, le peuple doit rentrer chez et laisser les premiers de cordée décider en toute quiétude ce qui est bien pour la stat-up nation, tel est son lancinant mantra.

L’utilisation grossière et instrumentale du concept d’arc républicain contribue à dévoiler la nature profonde de la macronie. Elle est une synthèse historique des gardiens bornés de l’Ancien Régime et de la morgue sociale non dissimulée des maîtres de forges de l’industrialisation des siècles passés. Le peuple reste un objet d’effroi et de détestation : c’est sans nul doute le vivier des gens qui ne sont rien, de ces incorrigibles gaulois réfractaires. Plus que jamais, réaffirmons que la République, c’est l’héritage et l’héritière de la Révolution. A tous ceux qui se sélectionnent eux-mêmes un peu hâtivement dans ce prétendu arc républicain, dans une sorte de prophétie auto-réalisatrice, pour en exclure de surcroit ceux qui sont pourtant les plus sincères défenseurs idéologiques des principes républicains révolutionnaires, rappelons-leur l’apostrophe de Léon Bourgeois lancée fort opportunément aux nouveaux ralliés à La République, au début du XX° siècle, faute de persistance d’alternative crédible au régime républicain triomphant : « Vous acceptez la République ? Fort bien ! Mais acceptez-vous le bilan de la Révolution ? ». Pas certain que les Feuillants et les Thermidoriens d’aujourd’hui approuvent le bilan de la Révolution quand bien même ils s’incluent d’office dans leur prétendu arc républicain…

Francis DASPE

Le JDD se « bollorise » à la vitesse du son

Plus de quarante jours après le déclenchement d’un mouvement social d’envergure, le Journal du Dimanche (JDD) vient de reparaître dans les kiosques ce dimanche 6 août. La grève, d’une ampleur rarement vue dans les médias, avait été provoquée par la nomination de l’ancien directeur de l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs Actuelles, Geoffroy Lejeune, à la tête de la rédaction d’un journal du groupe Lagardère mais désormais contrôlé par Vincent Bolloré. La crainte d’un changement de la ligne éditoriale du JDD, avec une infiltration massive d’idées d’extrême droite, avait été le détonateur du mouvement social ainsi engagé. Force est de constater que l’emprise de Vincent Bolloré, visiblement, ne s’est pas faite attendre. Que ce soit par une lecture attentive ou par un survol plus ou moins rapide du journal, peu importe : tout permet de s’en rendre compte sans la moindre ambigüité. Et ce en tous domaines qui caractérisent pleinement la nature profonde de l’extrême droite.

Un casting sans surprise

Tout d’abord par le casting des personnes invitées à contribuer à la confection du journal. On constate que la nouvelle version du JDD rapatrie une grande partie des figures de proue de la galaxie d’extrême droite ou de droite extrême, en voie de regroupement au sein d’une triangulation de choc, CNEWS, Europe 1 et donc désormais le JDD. Soit télévision, radio, presse écrite.

Pascal Praud dispose de sa page entière pour dire tout le mal possible du « terrorisme médiatique de gauche ». L’ensemble des vieilles méthodes de la victimisation de son camp et de la citadelle assiégée est abondamment utilisé. Les comparaisons hasardeuses sont convoquées, déplorant un traditionnel « deux poids deux mesures » pour mieux dénoncer « un privilège rouge » à l’œuvre dans les médias.

Mathieu Bock-Côté bénéficie du même espace pour exposer sa vison de l’œuvre de Milan Kundera récemment décédé. La réflexion du polémiste vient nourrir son obsession antitotalitaire, bien évidemment vue de son observatoire partisan d’extrême droite, et donc quelque peu hémiplégique. De manière tout aussi attendue, il en profite bien sûr pour se positionner parmi les victimes privilégiées du totalitarisme actuel, et en cible d’un monde orwellien liberticide. Il en vient à assimiler sans vergogne le journaliste de gauche à un commissaire politique totalitaire.

Eric Naulleau, dont le culot de se dire de gauche peine de plus en plus à convaincre, a été invité à rédiger une tribune pour donner son opinion sur le film ayant pour sujet Barbie. C’est l’occasion pour y déverser sa conception particulière du féminisme. Ou plus précisément celle qu’il qualifie de néo-féminisme. On n’arrive cependant pas à savoir s’il considère que ces néo-féministes ont fait de Barbie une icône féministe tant la logique de l’argumentation est confuse. Il est vrai que l’objectif apparaît clairement : dézinguer les militants d’un féminisme qui n’est pas de son obédience, à coups d’amalgames aussi hardis que honteux. Avec de surcroît, des oppositions totalement factices dès le titre, où il proclame préférer Marie Curie à Barbie, comme si c’était la question ! Stratégie de la confusion poussée à son paroxysme concernant la critique anticapitaliste ; il tente de se faire un parangon d’un anticapitalisme, puis dénonce un vernis de discours anticapitaliste des auteurs du film (sans doute insincère et insuffisant pour le grand anticapitaliste qu’il pense être). Il ignore sans doute que ce mode opératoire est typique de l’extrême droite, affectant de paraître être du côté des « petits », et qu’il ne s’agit nullement une caution de gauche à laquelle il prétend si fortement (cela en devient franchement suspect). En définitive c’est l’impasse Naulleau dans toute sa splendeur ! A tel point même qu’on pourrait discerner dans son propre discours quelques relents de complotisme.

Charlotte d’Ornellas s’exprime dans son article sur une page entière pour apporter son soutien au mécontentement, pourtant de plus en plus séditieux, des policiers en prenant l’exemple de Marseille. Elle est en opération commandée pour redorer le blason de la police, au moyen d’une culture de l’excuse constamment en faveur des « baqueux », mais par ailleurs interdite aux autres situés de l’autre côté de la matraque. Les mêmes rengaines déjà connues sont ressassées : les policiers sont le corps le plus surveillé et le plus sanctionné, ils sont victimes d’un scandaleux « traitement de défaveur », au bénéfice des délinquants pour lesquels la justice fait preuve d’une indulgence indécente.

Des thématiques plus qu’attendues

Ensuite par les thèmes rituels mis en avant de manière lancinante par cette extrême droite. Son vieux fond de commerce est effectivement convié dès la Une, l’insécurité, la peur attisée par la récupération éhontée des drames, avec un dossier de quatre pages entières à la suite de la Une. Belle entrée en matière. L’opération est réalisée par l’intermédiaire d’une interpellation d’un collectif de parents de victimes, via une lettre ouverte adressée au Président de la République, intitulée « Nous ne sommes pas un fait divers ». On y retrouve la classique et malhonnête opposition tant de fois surjouée entre victimes et « mis en cause ». Les politiques y sont dénoncés pour avoir « centré l’institution judiciaire sur les droits des mis en cause en oubliant ceux des victimes ». Ces représentants des victimes sont « la France qui ne provoque pas d’émeutes », et donc oubliés pour cette seule raison. N’est pas oubliée par contre la dénonciation de « criminels aux profils récurrents », ce qui donne une autre tonalité à ce qui aurait pu être considéré comme l’expression d’un simple cri de douleur. Il s’agit bien au contraire de récupération et d’instrumentalisation à des fins politiques de l’insécurité et de faits divers réellement atroces.

En de telles circonstances, il faut bien des idiots utiles de service. Le rôle est joué pour l’occasion par Juliette Méadel, ancienne Secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes sous le quinquennat de François Hollande, qui est censée apporter des solutions de bon sens pour remédier à la situation.

Autre idiote utile, la nouvelle Secrétaire d’Etat à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, venue clamer sur une page que « la politique du chéquier, c’est fini, ça ne marche pas ». Elle n’hésite pas en préalable à se qualifier comme « une fille de Cabu », ceci pour donner quitus à la nouvelle version du JDD, en l’arrimant avantageusement et inopinément sans doute à Charlie Hebdo. Le JDD version Bolloré combattant émérite de la liberté d’expression. A la politique du chéquier, elle préfère une « politique du porte-monnaie », sans qu’on sache de quoi il en retourne concrètement. Si ce n’est de changer la vie des quartiers (mais comment ?), de s’appuyer sur les élus locaux (par ailleurs méprisés et privés de moyens), de remettre du bleu dans les quartiers (c’est-à-dire des policiers). Plus probablement une nouvelle forme de clientélisme qui n’ose pas dire son nom. Mais en réalité l’objectif est autre. Il est d’accréditer la thèse de l’assistanat et de dépenses sociales inconsidérées, notamment dans les quartiers populaires. Il s’agit de laisser sous-entendre que ces quartiers populaires sont sans doute surdotés, principalement au motif qu’il s’agisse de la France qui provoque des émeutes et à laquelle on cède trop facilement.

La religion représente un élément essentiel du combat idéologique. C’est ainsi que sur les deux pages consacrées à l’actualité internationale, la moitié est réservée aux JMJ (journées mondiales de la jeunesse). La bigoterie bien connue de Vincent Bolloré n’est donc nullement occultée ou sacrifiée. Elle trouve un espace pour s’exprimer pleinement, dans une logique clairement prosélyte.

Une stratégie politique d’union des droites

Egalement par les accointances politiques affichées en termes de stratégie. L’union de la droite et de l’extrême droite reste une stratégie de long cours pour le monde de Bolloré. C’est ainsi qu’une tribune est accordée à un éminent représentant de Les Républicains, Bruno Retailleau (flanqué de l’obscur Sébastien Laye), pour dire pis que pendre de la dépense publique. La réflexion est, en creux, complémentaire de la dénonciation obsessionnelle du supposé assistanat. On se croirait revenu au temps de Nicolas Sarkozy, avec des expressions extraites du parfait bréviaire libéral : finances publiques dispendieuses, Etat impécunieux, pays sur-administré et surfiscalisé, zèle administratif étouffant etc. L’austérité reste une valeur sûre pour l’alliance des droites, et un des horizons constants de l’extrême droite. N’oublions pas que Vincent Bolloré fut celui qui accueillit sur son yacht Nicolas Sarkozy, tout nouvellement élu à la présidence de la République en mai 2007, au mépris des éventuels conflits d’intérêts.

Une main reste tendue à la Macronie, car elle constitue le rempart utile de l’oligarchie et du  système économique nommé capitalisme, contre les désordres planifiés par le camp du peuple. Il faut dire qu’il peut s’agir en quelque sorte d’une forme de gratitude à l’égard de la Macronie qui a intégré l’extrême droite dans l’arc républicain duquel a été évincée La France Insoumise. En conséquence, un article se projette sur la stratégie envisagée par la Macronie pour enlever la mairie de Paris. On y apprend que le dispositif central réside dans une réforme électorale afin de traficoter l’expression de la souveraineté du peuple. Décidément, un point en commun récurrent entre la Macronie et l’extrême droite, qui partagent pareillement une aversion pour l’élément populaire. Peut-être qu’en filigrane se prépare une coalition avec les différentes nuances de droites ? Dans ces milieux on voit décidément loin très tôt…

En complément de cette orientation visant à ne pas insulter l’avenir, une page décrit de manière approfondie une éventuelle communauté d’intérêts entre Laurent Wauquiez et Emmanuel Macron. Ou plutôt entre leurs électorats, dont la porosité, passée, présente et future, est incontestablement avérée et structurellement forte. Elle peut soutenir des ambitions de reconquête pour les perdants de 2017 qui ne s’en sont toujours pas remis. Car pour Wauquiez, il s’agit de ménager le président sortant qui ne peut pas se représenter, sans pour autant renoncer à un ancrage idéologique très droitier. Un exercice d’équilibriste pour capter deux électorats proches, mais qui exigent des arguments différents. Encore une fois, voir loin très tôt…

Enfin, une interview de Luc Ferry, ancien locataire de la rue de Grenelle, permet de dire du bien du nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal. Et par la même occasion tout le mal de son prédécesseur Pap Ndiaye. Pas pour son œuvre scolaire, car globalement identique, mais plutôt pour la personne qu’il est supposé être : « un intellectuel fanatique hostile à notre universalisme républicain ». Voilà qui plaira aux amis d’Eric Zemmour. Pour expérimenter l’effet double lame, quasiment une page entière est consacrée au même Pap Ndiaye pour dénoncer le « golden parachute » dont il a bénéficié à la suite de son éviction, avec une nomination comme ambassadeur représentant la France auprès du Conseil de l’Europe. Plus que le salaire ou le logement dont il bénéficiera, c’est sa mission qui ne passe pas. Il aura à veiller au respect des décisions et arrêtés rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci condamne régulièrement la France pour les conditions de détention déplorables dans les prisons françaises ou le non respect des droits des demandeurs d’asiles. En outre, Pap Ndiaye avait qualifié d’extrême droite l’ensemble de la presse Bolloré. Tout chrétien que l’on se revendique, la vengeance est préférée au pardon…

La supercherie de références populaires

Enfin, par des références populaires ou populistes, en guise de caution affectée. Là aussi, c’est une caractéristique originelle de l’extrême droite, quand bien même elle préfère toujours une alliance avec le camp de l’oligarchie au Front Populaire (les possédants eux optent toujours en dernier ressort, de manière complémentaire et connivente, pour Monsieur Hitler plutôt que pour le Front Populaire).

A cet effet, un dossier d’une double page traite de l’augmentation du prix de l’énergie, et plus particulièrement de l’électricité, sans en dénoncer cependant le mécanisme de la concurrence libre et non faussée. Mais en préférant insister sur l’abandon du bouclier tarifaire dont bénéficiaient les plus grandes entreprises. Le peuple, ou la populace, ce n’est pas la priorité. Mais on fait semblant d’y penser.

Une tribune, sur le mode « du pain et des jeux », évoque les avanies du club de football de Sochaux-Montbéliard, en voie de liquidation après le rachat à la famille Peugeot il ya presque dix ans par un entrepreneur chinois. Sans en tirer les conséquences pourtant évidences sur le capitalisme prédateur. Mais en tentant de compenser en versant des larmes de crocodile, dans élan presque ouvriériste, pour les travailleurs modestes de la région  qui avaient créé un lien affectif avec le club de foot.

L’extrême droite cherche constamment à se donner bonne conscience en prétendant défendre les petits contre les gros. C’est une escroquerie qui est vite démasquée, avant même l’exercice du pouvoir. L’extrême droite possède un habitus de classe qui l’éloigne du peuple.

La gauche réduite à la portion congrue

Et la gauche dans tout ça ? Elle est très vite assimilée à l’extrême gauche infréquentable. Une seule page lui est accordée, mais pour la présenter sous un jour peu valorisant.

Le JDD fait ses choux gras des polémiques liées à l’invitation du rappeur Médine à l’université d’été d’EELV de fin août. Les vielles peurs sont convoquées à dessein. A n’en pas douter, c’est une forme renouvelée et actualisée de l’homme rouge avec le couteau entre les dents. Un joli pluralisme… Un bel équilibre…

Emprise et empire idéologiques

Vincent Bolloré est bien dans le cadre d’un combat idéologique sans merci. Il n’y va pas avec des pincettes. Le JDD va devenir en conséquence un nouvel outil de promotion des idées d’extrême droite, au sens large du terme. Bollorisation et extrême droitisation vont en effet de pair. Toute la panoplie de l’extrême droite, avec ses obsessions nauséabondes, ses enfumages malsains, ses personnalités reconnues perçues comme des stars d’un entre soi dérisoire, est mobilisée en vue d’atteindre le but fixé.

La galaxie Bolloré est bien en passe de s’apparenter à un véritable empire idéologique, animée par des perspectives hégémoniques et expansionnistes. Un impérialisme en somme, pour faire bref et clair. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la démocratie et le pluralisme. 

Francis DASPE  07 / 08 / 2023

L’honneur perdu de Manuel Valls : une persévérance diabolique

On savait depuis longtemps que Manuel Valls avait changé sans la moindre ambiguïté de camp. Ses états de service en France, et plus particulièrement au cours du quinquennat de François Hollande, de sinistre mémoire pour le camp progressiste, ressortissaient davantage au champ du passif et de la trahison. Son parjure, à l’issue de sa défaite à la primaire socialiste de 2017 qui lui avait fait soutenir à la présidentielle Emmanuel Macron au détriment de Benoit Hamon, avait confirmé si besoin était le franchissement de seuil. Ses dérisoires gesticulations afin d’obtenir du Président Macron élu quelque pitoyable strapontin avaient mis en exergue de manière fort cruelle le fond du caractère du personnage. Son escapade du côté de Barcelone en vue de conquérir la mairie s’était traduite en fin de compte par de nouveaux dérapages incontrôlés se clôturant par une sortie de route grotesque. Mais comme le ridicule ne tuant pas, surtout en politique…

            Dans sa quête compulsive de vouloir exister sur la scène politique hexagonale, il en vient à endosser sans la moindre vergogne le rôle de l’idiot utile dans le deuxième numéro du Journal du Dimanche version Bolloré en date de ce 13 août 2023. Il y est interrogé pour apporter sa prétendue expertise, dans le cadre d’un dossier de quatre pages consacré à l’articulation des relations forcément tumultueuses entre police et justice. La tonalité générale du dossier s’inscrit pleinement dans les orientations du « camp de l’ordre » cornaqué par l’extrême droite, ainsi que l’indique le titre en « Une » du JDD : « La police réclame justice ». Sous-entendu que la justice constitue un redoutable obstacle à l’exercice des missions de la police.

            Le titre retenu par la rédaction de l’interview de l’ancien ministre de l’Intérieur qui tient sur moins de la moitié d’une page claque comme un slogan parfaitement assumé : « Je refuse le concept de violences policières ». Les fondamentaux d’une bollorisation de l’esprit de Manuel Valls sont quasiment tous convoqués. Jugez-en plutôt.

Il regrette, de manière connivente avec Gérald Darmanin, que les policiers soient les personnes pour qui la présomption d’innocence  n’existe pas. Il cite, parmi les défis qui ont complexifié ces dernières années les missions de la police, les gilets jaunes et les groupes d’ultra-gauche, en omettant d’indiquer les groupuscules d’extrême droite. Il reprend à son compte les mots de l’extrême droite, instrumentalisés à des fins peu honorables, de banalisation de la violence et d’ensauvagement de la société. Il impute à une partie de la presse et de la classe politique la responsabilité de la situation. Il s’insurge contre le slogan « La police tue ». Il dénonce les propos de La France Insoumise et des écologistes. Il s’effraie, dans la phrase suivante, de constater que cette extrême gauche possède aujourd’hui une légitimité électorale et pèse dans le débat politique. Et de poursuivre, dans le prolongement, en qualifiant cette ultra-gauche de factieuse, insurrectionnelle, sympathisante des incendiaires et des islamistes, c’est-à-dire en reprenant de la sorte la sémantique de l’extrême droite désormais en partage avec la macronie et la droite dite républicaine.

            Manuel Valls ne s’arrête pas en si bon chemin dans sa quête de réaliser un grand chelem de la réaction la plus veule. Il stigmatise le laxisme dans le prononcé et l’exécution des peines. Il défend mordicus la loi de 2017 de Bernard Cazeneuve, qualifiée par beaucoup de « permis de tuer », et par plus encore comme une des sources de la dégradation de la situation observable et observée. Il propose de sanctionner les parents, sans en mesurer la difficulté et les enjeux. En bonus, il estime que la décision du Conseil d’Etat de suspendre l’arrêté de dissolution des Soulèvements de la Terre équivaut à un dévoiement de la liberté d’expression. Un véritable sans faute dans une sinistre course à l’échalote peu ragoûtante !

            Manuel Valls poursuit son naufrage idéologique et politique. Pour qui pouvait encore en douter, il n’existe plus d’atermoiements à penser qu’il a véritablement changé de camp. Peut-être avons-nous minimisé la réalité des choses en le qualifiant d’idiot utile. Il semble plus pertinent et juste de considérer qu’il constitue désormais un élément de poids du dispositif de cette bollorisation des esprits, les termes d’extrême droitisation, de lepénisation ou de zemmourisation, parmi d’autres que chacun pourra rajouter, étant synonymes. Car la mue du Journal du Dimanche se poursuit sans faillir ni faiblir. C’est ainsi que trois chroniqueurs semblent posséder tribune réservée pour déverser leur haine : Pascal Praud pour maintenir la fiction d’une attention particulière au vrai peuple et aux gens de bons sens, Mathieu Bock-Côté pour renforcer le sentiment de victimisation de cette extrême droite en proclamant que Charlie n’est plus Charlie, Eric Naulleau pour prophétiser dans une veine auto-réalisatrice la fin de la Nupes initiée par La France Insoumise après avoir établi une filiation exclusive entre Joseph Kessel et Fabien Roussel via le Chant des Partisans. Et visiblement avec pour journaliste vedette Charlotte d’Ornellas qui coordonne ce dossier police / justice permettant à Manuel Valls d’être réquisitionné pour donner son avis.

            Connaissant l’animal politique Manuel Valls, on est en droit de se demander ce qu’il a en tête. Peut-être, voyant les bisbilles présentes et futures entre Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, vise-t-il à nouveau comme recours le ministère de l’Intérieur ? Qui pourrait se révéler ensuite une rampe de lancement utile pour la présidentielle de 2027 pour laquelle nombreux sont dans le camp de la réaction et de l’ordre ceux qui n’ont pas besoin de se raser pour y penser ? Car Manuel Valls ose tous les mécanos pour satisfaire ses ambitions les plus improbables, et c’est d’ailleurs à cela qu’on le reconnaît ! Non content d’avoir à maintes reprises perdu son honneur, il s’échine à continuer à le perdre…

Francis DASPE 13 / 08 / 2023

Le vertige des chiffres…

Les 500 plus grandes fortunes de France voient leur richesse faire un bond prodigieux en 2022 : elle est passée en une année de 1002 milliards d’euros à 1170 milliards d’euros. Mais la plus grande partie de ces gains a été réalisée par les quatre premières fortunes (148 milliards d’euros sur le total de 168 milliards).

La première fortune française, Bernard Arnault (LVMH), voit son patrimoine augmenter de 54 milliards d’euros (+%). Les suivants sont les familles Hermès, Wertheimer (Chanel) et Bettencourt Meyers.

Source : « Challenges », classement 2023 des 500 plus grandes fortunes de France.

Les montants facturés par l’Etat aux cabinets de conseil pour des « prestations intellectuelles » ont fortement augmenté au cours des dernières années. L’Etat a ainsi versé en 2021 aux cabinets de conseil 890 millions d’euros.

Dans les ministères civils, ils sont passés entre 2014 et 2021 de 11 à 232 millions d’euros (hors dépenses informatiques).

Source : Cour des Comptes, rapport du 10 juillet 2023.

Depuis l’éclatement de la crise sanitaire fin 2019, les profits ont augmenté de 21%, alors que les salaires (les « coûts de main-d’œuvre) ont progressé de 15,6%.

Source : OCDE, rapport sur l’emploi, 11 juillet 2023.

En 2022, entre 691 et 783 millions de personnes ont souffert de la faim, soit 9,2% de la population mondiale (7,9% en 2019).

L’insécurité alimentaire (le fait de ne pas pouvoir bénéficier régulièrement d’une alimentation adéquate) concerne 29,6% de la population mondiale. C’est le cas de 61% des Africains.

Source : dernier rapport des Nations-Unies sur la sécurité alimentaire mondiale.

Le budget sondages du gouvernement va augmenter de 54% pour la période 2023 / 2026. Il va donc passer de 21,5 millions d’euros, contre 13,92 millions d’euros dépensés au cours des quatre années écoulées. Soit la somme de 7,58 millions d’euros pour comprendre mieux nos concitoyens…

Quatre instituts vont se partager le pactole : Ifop, Ipsos, Harris et CSA.

Source : SIG (Service d’information du gouvernement)

Le 1° août, les tarifs réglementés de l’électricité ont augmenté de 10%. Depuis la mise en place du bouclier tarifaire le 1° février, le prix de l’électricité aura augmenté de 31%. Ces hausses concernent 20 millions de foyers.

Le bouclier tarifaire aura coûté pour l’instant, sur les années 2022 et 2023 en cours, 28,5 milliards d’euros. C’est que le tarif théorique de l’électricité devrait se situer 74,5% au dessus du tarif actuel.

Les règles de la concurrence édictées par l’Union Européenne y sont davantage que la guerre en Ukraine. EDF doit vendre aux opérateurs privés le mégawattheure au tarif fixe de 46,20 euros. Ces opérateurs privés revendent ensuite l’électricité à un tarif 10 à 20 fois plus élevé. Un des leaders du secteur TotalEnergies, peut se permettre de faire de la publicité en indiquant accorder de manière vertueuse un rabais de 5% sur le prix du kilowattheure…

Vinci Concessions (les autoroutes) a vu au premier semestre 2023 son chiffre d’affaires augmenté de 6%, soit 3 milliards d’euros. Son excédent brut d’exploitation (Ebitda) représente 76,7%.

Les autoroutes et les aéroports génèrent environ 60% des profits du groupe Vinci. Si bien que l’action Vinci, selon l’hebdomadaire « Investir – Le Journal des affaires, devrait, d’ici quelques mois, passer de 109 à 135 euros. Très lucratives concessions…

Le critère de l’investissement par habitant dans les infrastructures ferroviaires n’est pas à mettre au crédit de la France. En 2022, elle s’est classée en dernière position en Europe, avec 46 euros par habitant.

Très loin derrière les premiers de la classe, en l’occurrence le Luxembourg (607 euros) et la Suisse (413 euros). Toujours derrières des pays à la taille comparable : l’Espagne (67 euros), l’Allemagne et l’Italie (115 euros), le Royaume-Uni (187 euros).

Source : association des opérateurs ferroviaires allemands.

Les entreprises du CAC 40 ont réalisé plus de 80 milliards d’euros de profits au premier semestre 2023. Le record des profits sur une année s’élève à 156 milliards d’euros en 2021. A c rythme, le record pourrait être battu en fin d’année.

82% du chiffre d’affaires de ces grands groupes français sont réalisés à l’étranger. Dix ans plus tôt, c’était 72%. Ces grandes entreprises envoient à l’étranger 40% des dividendes distribués aux actionnaires.

Parmi les plus grands groupes français, LVMH a réalisé 8% de ses ventes en France, pour un montant de 6 milliards d’euros. Le groupe de Bernard Arnault a donc réalisé à l’étranger 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires,  pour moins de 3 milliards d’euros d’impôts. Soit à peine plus que ce qu’a encaissé le fisc français, pour un chiffre d’affaires 12 fois supérieur ! TotalEnergie a effectué 80% de son chiffre d’affaires hors de France. Ce qui lui a permis de tirer 19 milliards d’euros de bénéfice après impôts, contre seulement 500 millions d’euros pour son activité en France. Renault tire les trois quarts de son chiffre d’affaires de son activité à l’étranger. Sur les 1,6 milliards de bénéfice en 2022 de Renault, 500 millions d’euros proviennent de l’activité française du groupe. 

Le tiers des entreprises du CAC 40 reste détenu par des actionnaires étrangers. Ces actionnaires étrangers ont empoché 27,5 milliards d’euros de dividendes en 2022, soit un peu moins de la moitié de ce qu’ont touché les actionnaires français. Sur l’ensemble des entreprises du CAC 40, 40,5% des actions sont possédées par des étrangers (c’était 48% en 2011).

Source : Le Canard enchaîné du 16 août 2023

Thierry DONGUAT  02 / 09 / 2023

ASSOCIATION POUR LA GAUCHE REPUBLICAINE ET SOCIALE– Prométhée

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La contre-révolution est d’abord culturelle

Une des raisons d’être de l’AGAUREPS-Prométhée, créée il y a plus de 20 ans, résidait dans la nécessité de la conquête de l’hégémonie culturelle chère à Gramsci. Elle n’a pas depuis dérogé à cette tâche, poursuivant sans relâche le combat assigné. L’actualité ne cesse d’accorder, si besoin était, un crédit renouvelé à cette mission d’intérêt général faisant en réalité souvent office de préalable à d’éventuelles victoires politiques. La grande coalition des rétrogrades et des réactionnaires est incontestablement au travail, et ce de manière autant ardente qu’inquiétante.

Ce numéro de rentrée de la Lettre du mois de l’AGAUREPS-Prométhée s’inscrit dans cette nécessité d’offrir des ripostes à l’offensive en cours. Il est consacré au thème « Combat idéologique, Hégémonie culturelle ». Deux domaines sont en effet ciblés de manière prioritaire dans cette lutte au long cours : l’Histoire et les médias.

Il est vrai que l’Histoire se prête aisément aux diverses interprétations, manipulations et autres instrumentalisations. Et plus particulièrement la Révolution française, carrefour névralgiques des passions politiques. Dans cette optique, des mises au point s’avèrent bienvenues. C’est le cas de la tribune relative à l’improbable concept d’arc républicain de nature qu’on pourrait qualifier de révisionniste : il vise à en écarter les héritiers de ceux qui luttèrent avec conviction et obstination pour l’accomplissement de la République conforme aux principes édictés en réaction aux tenants de l’absolutisme de droit divin. Comme l’indique le titre de la tribune, ce prétendu arc républicain n’est en définitive qu’une resucée de la sainte-alliance des Feuillants et des Thermidoriens de nos jours. Il  s’agit en effet d’opérer un curieux renversement des perspectives : les opposants à la République d’alors se verraient intronisés par un tour de passe-passe les garants de la République d’aujourd’hui et de demain !

Les médias font également l’objet d’une attention préoccupante de la part des promoteurs de cette contre-révolution. Le terme de zemmourisation des esprits avait été utilisé auparavant ; celui de bollorisation correspond à la réalité du moment dans les médias. La situation du Journal du Dimanche l’a illustré cet été à la perfection. Un texte d’analyse du premier numéro de la nouvelle version du JDD est à cet égard fort instructif. Il met en exergue les fondamentaux et les fondements de cette bollorisation, synonyme d’extrême droitisation, sous l’égide du nouveau directeur Geoffroy Lejeune. On sait que cette dérive nauséabonde contamine au-delà de l’extrême droite. Manuel Valls l’avait déjà été largement dans l’exercice même du pouvoir, mais le deuxième numéro du JDD l’a bien confirmé, s’il y avait eu besoin, ce qui a donné lieu à une tribune sur la question en guise de rappel.

Toutes les contre-révolutions sont d’abord culturelles. Il convient d’y répondre avec fermeté sans concéder de terrain en la matière. L’AGAUREPS-Prométhée s’y attache avec la plus grande résolution qui soit. Ce numéro de rentrée en témoigne à nouveau.

Sylvie ERBANI

29 / 08 / 2023

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